I Saw the Devil
De Kim Jee-Woon
Avec Lee Byung-Hun et Choi Min-sik
Corée du Sud – 2010 – 2h22
Rating:
Kyung-chul est un tueur en série qui viole des jeunes filles avant de les découper en morceaux. Un soir, il s’en prend à la fiancée de Dae-hoon, un agent surentrainé des services secrets coréens. Ce dernier jure de retrouver le maniaque pour appliquer sa propre justice, c’est-à-dire le faire souffrir le plus intensément et le plus longuement possible avant le coup de grâce. Un jeu vicieux du chat et de la souris s’engage entre les deux hommes.
Figure phare du nouveau cinéma sud-coréen, Kim Jee-Woon (Deux Sœurs, Le Bon, la Brute et le Cinglé) revient avec ce fracassant I Saw the Devil, thriller sanguinolent auréolé de son statut de grosse production censurée dans son propre pays. Si le film est effectivement violent, il reste toutefois à la limite du supportable, préférant se concentrer davantage sur l’atmosphère lourde qui pèse sur ses deux personnages principaux: une proie et son chasseur. La proie est interprétée par Choi Min-sik (Old Boy), un vieux chauffeur de bus pervers qui massacre des filles régulièrement, un sale type qui va en prendre plein la gueule par Lee Byung-Hun, le chasseur impitoyable, un action hero aveuglé par la haine et qui prend un malin plaisir à torturer sa victime. La question sera de savoir si la surenchère dans la violence est nécessaire pour anéantir le Mal absolu, jusqu’à quelles extrémités ira le héros pour assouvir sa vengeance. Certes, il s’agit d’une question qui a été déjà mainte fois posée dans un millier de films.
En revanche, ce qui est intéressant, dans I Saw the Devil, c’est le temps que le film va prendre pour donner sa réponse. En repoussant le moment du coup de grâce, le héros s’engage dans un jeu sadique et dangereux face à un maniaque qui, bien que traqué, continue à perpétrer ses horreurs. L’habileté de Kim Jee-Woon est donc de clouer son spectateur au siège sur plus de deux heures dans l’attente du point de non retour. La narration prend ainsi tout son temps en se concentrant sur le quotidien de Kyung-chul, le serial killer, et notamment sur les agressions qu’il commet. A ce titre, I Saw the Devil s’inscrit pleinement dans le genre horrifique et ne se contente pas d’être un polar violent. Les plans-chocs sont nombreux mais courts, davantage dans le but de crever la tension emmagasinée plusieurs fois durant le film que dans une pure démarche de voyeurisme torture porn. La composition de Choi Min-sik, aussi terrifiant que Javier Bardem dans No Country for Old Men, donne quant à elle toute la dimension humaine nécessaire au monstre qu’il incarne.
Véritable tour de force, éprouvant mais cathartique, I Saw the Devil s’impose, par sa justesse et son équilibre, comme l’une des escalades dans la violence les plus efficaces de l’année.
The Vug
Très belle critique avec laquelle je suis tout à fait d’accord. De mon côté, j’ai vu dans ce film et son scénario qui prend une tournure de plus en plus absurde, une réflexion menée sur les films de vengeance et la violence qu’ils mettent en scène. Je vous invite à lire ma critique dans le lien inclus dans mon blaze ^^
Le lien vers le site Internet ne s’affiche pas dans les coms, c’est un petit réglage à faire :/
Mais j’en profite pour mettre ici le lien vers ton site, Félix, l’excellent Il a osé! :http://ilaose.blogspot.com/
Et on vous invite bien sûr à vous pencher sur son excellente critique du film, mais également à approfondir votre exploration de son site, ça vaut le détour 😉
Merci ! 😀
Vu hier soir dans une des rares salles qui le projettent, c’est bien la première fois que je ne partage pas l’avis de The Vug ! Je vais reprendre mes impressions point par point.
/!\ Attention, quelques spoilers
La réalisation : Correct. Quelques bonnes trouvailles visuelles, certaines moins habiles, pas mal de grain dans les nombreux plans sombre, quelques aberrations chromatiques sur les plans clairs, je pense que le film a été tourné en vidéo et la projection en numérique ça pardonne pas. Rien de bien méchant cependant et globalement la lumière est aussi correcte, le son est réussi. Le montage en revanche est lent et, premier point de discorde avec The Vug, j’ai trouvé le film mou et long. Vu qu’il n’y a pas d’investigation (plus là-dessus dans la suite), entre 2 scènes de meurtre/viol/combat, une grande scène de rien qui ne construit absolument aucune tension (exception faite éventuellement de celle de l’hopital).
Le scénario : Ha ha ha, le quoi ? Alors on prend Se7en, on remplace Brad Pitt par un Yamakasi psychopathe qui décide plus vite de son camp, on remplace l’investigation par… heu par rien, et surtout on garde bien l’idée géniale de « elle était enceinte ». Et bien malgré la repompe flagrante, le scénario réussit à être complètement bancal. On remet au gentil la liste des 4 suspects de la police. Paf. Tombés du ciel. Cadeau. Notamment parmi eux, le dossier du méchant, dont la police ignore visiblement l’adresse et l’occupation (ils devaient le suspecter de loin, quoi). Heureusement le gentil va demander à la famille et trouve la cachette super secrète (oui la maison du méchant est mitoyenne avec sa salle de torture) dont la police ignore toujours obstinément l’emplacement 2h de film plus loin. Dans la cachette, paf notre Sherlock trouve direct la bague de fiançailles de feu sa copine enceinte – ou comment se débarrasser en 2 plans de toute incertitude qui aurait pu vaguement tenailler notre héros). Bref, l’aspect thriller/polar est tout simplement absent. Ça ne serait pas si grave si l’histoire restait crédible. Mais la police est tellement inutile que même le personnage de Choi Min-sik, dans un éclair de conscience métaphysique, en fait la remarque. Un tel degré d’incompétence, on y était habitué dans les productions Besson, mais là ça fait quand même un peu décalé.
Le jeu : Commençons par le positif, Choi Min-sik est très bon. Charismatique, l’analogie avec le bulldozer Bardem de No Country m’a sauté aux yeux aussi. Il est effrayant, monstrueux, mais avec sur la seconde moitié du film de légères touches de drôlerie qui équilibrent un peu le personnage tout en équilibrant un peu les rôles entre le méchant qui devient marrant et le gentil qui devient flippant. Hélas! Parlons-en justement du « gentil », genre de Action Man/Crying Freeman/Vengeur générique (rayez la mention), dont contrairement à the Vug je n’ai pas du tout eu l’impression qu’il prenne « un malin plaisir à torturer sa victime », ni au contraire qu’il en souffrait plus que ça – « mais siiiii, regarde il pleure en torturant les gens » – mouais. Il est aussi expressif qu’un Keanu Reeves sous Lexomil et je pèse mes mots. Sa fiancée pour sa part joue si mal qu’on s’en rend compte même sans parler coréen. J’étais bien content que Choi vienne la faire taire. Le chef de la police surjoue tellement qu’on le croirait sorti d’un Jacky Chan (phase comique volontaire pour alléger le ton ? mouais bis). Bref tout le monde n’a pas le niveau de monsieur Old Boy. Son pote cannibale est pas mal aussi même si son rôle consiste principalement à rigoler en disant et/ou faisant des trucs dégueulasses, ainsi qu’à faire rire la salle avec le gag du tournevis (étrange mais, pas désagréable).
Le gore : Passable. Des idées uniques comme une étagère Ikea (tendon d’achille, tournevis planté dans la main). Des effets numériques parfois peu convaincants (déformation du slip pour ceux qui l’ont vu…), les bons vieux maquillages et prothèses de Old Boy ont beaucoup mieux fonctionné pour moi. Les jumpscares sont en revanche réussis et efficaces. Ah oui, et fouiller à mains nues dans de la merde, c’est pas gore c’est scato. Sans façons, merci.
Conclusion : Loin, mais alors loiiiiiiiiin d’être parfait à mes yeux. Si vous êtes en manque de guillotines rouillées et de coups de marteau/barre de fer dans la tronche (leitmotiv du film), vous pouvez y aller mais si vous voulez de la vengeance coréenne proprement sale, allez plutôt (re)voir la trilogie de Park Chan-wook.
On serait tout le temps d’accord que ça en deviendrait ennuyeux à la longue. Effectivement, ce n’est pas une enquête mais une traque et je suis loin d’être d’accord avec toi sur le fait qu’il n’y a que du remplissage entre les scènes de violence. Au contraire, je trouve que film arrive à maintenir un degré supplémentaire de tension entre chaque déflagration de violence, l’intérêt du film jouant justement sur cette surenchère qui fait qu’on ne sait pas comment tout cela va finir au bout de presque 2h30. Cela est en grande partie du, je pense, à la virtuosité des deux acteurs principaux qui arrivent à rendre leur personnage respectifs encore plus terrifiants par leur calme suite aux violences qui précèdent ces reprises de « vies normales », faisant peser une violence sourde sur chacun de leurs actes, même les plus banals. C’est à mon sens ce qui maintient la fameuse pression dont je parle.
Après, au sujet des acteurs de seconde catégories, des effets spéciaux visibles ou des trous ou emprunts dans les scénarios, ce sont des détails qui ne m’empêchent pas d’apprécier un film quand il est bon et c’est dommage que tu sois sorti du film à cause de ces détails qui t’ont déplu. En même temps, je t’avouerai que je me suis fait sortir de Old Boy pour des raisons similaires. J’ai trouvé le fameux classique de Park Chan-wook surestimé parce qu’il y a deux,trois trucs qui m’ont gonflé dans la direction d’acteur, les choix de mises en scène, le découpage, la démonstration technique… Je devais être mal luné quand je l’ai vu et, en conclusion, je te dirais pour J’ai rencontré le Diable ce que m’a dit Hamburger Pimp pour Old Boy: « remate-le mieux »!
Effectivement, c’est principalement le scenario pas crédible pour deux sous qui m’a rapidement sorti du film, incoherence par incoherence. Comme pour Insidious dont la musique me tapait – au sens propre – tellement sur les nerfs que j’en oubliais d’avoir peur (oui, j’ai pas aimé Insidious non plus, je suis un véritable paria). Je ne sais pas si j’etais mieux luné pour Old Boy (faut croire) mais je me souviens que j’ai accroché rapidement à l’intigue et le suis resté jusqu’au dénouement final. Pour I saw the devil, je pense qu’en lisant le synopsis on en devine déjà plus ou moins tout le déroulé, le point d’interrogation étant la fin, donc je conçois avec le recul que je n’aurais pas du m’attendre à une grosse intrigue ou même un background très cohérent: c’est pas le sujet, ok. Reste que j’en veux toujours au film de m’avoir fait poireauter 2h30 pour un dénouement sawesque passable tant sur le gore (zéro climax, cf. Old Boy, désolé ^^) que la symbolique obscure (dont je veux bien à l’occasion entendre ton interprétation, parce que là comme ça je ne saurais dire qui a gagné ou quel est le message).
Tom,
Je suis un adorateur de Old Boy et je croyais que le cinéaste sud-coréen n°1 était Park Chan-wook. Mais en 3 ans, avec le bon la brute et le cinglé, puis j’ai rencontré le diable, je suis plutôt du côté de Kim Jee-won. Ce réalisateur, tout comme Park Chan-wook, n’est pas réputé pour les scénarii. Néanmoins je pense que tu pourrais faire l’effort à nouveau de regarder I saw the Devil, car la question du film n’est pas l’enquête mais la rencontre entre un homme on ne peut plus humain et un autre qui ne l’est plus tout à fait. De plus l’ayant vu deux fois en salles, j’ai noté que le film regorge de motifs et de symbolisme. Et puis la fin suit les mots « au summum de la douleur et de la peur » et c’est ce qui arrive.
Et bien sûr personne gagne à la fin, c’est juste que le héros reste humain… Au final, même si ton point de vue se tient, tu t’attarde trop sur des détails, c’est un film sud-coréen pas un film occidental, le fonctionnement (narration, progression, direction d’acteurs) n’est pas tout à fait similaire qu’en Europe et outre-Atlantique. Et en même temps tu pourrais te plaindre des films de Cassavetes? Y a jamais de scénario…
Sinon on peut te proposer d’autres films qu’on a critiqué dans le même genre: the murderer, bedevilled (disponible en dvd) ou un autre, fait par Park Chan-wook, lady vengeance, celui-là n’est pas critiqué.
À bientôt pour de nouvelles aventures
Ha je n’avais pas vu que tu m’avais répondu. Donc The Vug et toi me conseillez unanimement « remate-le mieux ». Hélas pour le moment je n’ai vraiment aucune envie de revoir ce film. Mais j’en prends bonne note pour quand je serai mieux luné.
Pour ce qui est de trop m’attarder aux détails, je suis désolé, je ne fais pas exprès; mais dire que tous les films sud-coréens ont un scénario pourri ou du moins que les coréens n’y attachent pas la même importance est pour le moins réducteur à mes yeux. Et puis tant qu’à faire je préfère largement un scénario léger ou improbable comme ceux de Park Chan-Wook ou Bong Joon-Ho à un scénario tellement bâclé qu’il me sort complètement du film. Si je voulais juste du Saw, je regarderais Saw. Là je voulais un thriller gore, j’ai juste eu le gore (et pas le meilleur). Mes attentes – ou peut-être la bande annonce – étaient décalées par rapport à ce que ce film offre réellement, d’où ma déception. Cela m’est déjà arrivé, avec Capote par exemple, dans lequel l’enquête de fond sert uniquement de décor.
Merci pour tes autres suggestions. The Murderer (titre « français » de The Yellow Sea) est déjà depuis un moment dans ma pile de films à voir. Ta critique de Bedevilled ne m’a pas autant convaincu. Lady Vengeance par contre je l’ai vu; il est OK, mais quand on a vu Old Boy d’abord c’est moins fou-fou.