Black Death
de Christopher Smith
avec Sean Bean, Eddie Redmayne, David Warner et Carice van Houten
Allemagne – 2010 – 1h40
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DuDernier des Templiers de Dominic Sena au prochain remake de Conan de Marcus Niespel, les fans de Moyen Age craspec et de guerriers bien huilés peuvent se réjouir, car le médiéval fantastique revient en force. Genre ayant atteint son apogée dans les années 80 avant d’être recalé au rang de ringardise, il semblerait que les sorcières et la peste bubonique refassent recette. Mais entre la machine ultra rodée aux SFX douteux avec Nicolas Cage (Le Dernier des Templiers, donc) et le réalisme cru du Black Death de Christopher Smith (qui, bien que réalisé par un anglais, tourné en anglais et avec des acteurs anglophones, est un film allemand car produit par les allemands), les distributeurs cinéma ont préféré opter pour le blockbuster calibré d’Hollywood. La qualité, c’est bien, mais la rentabilité, c’est mieux. Mais on ne va pas s’éterniser sur le laïus habituel du triste destin de ces petites perles du genre qui méritaient largement une exploitation en salles et qui échouent dans les bacs « nouveauté » de la Fnac, condamnées à une visibilité réduite, on va simplement rendre justice au travail de Christopher Smith.
Après l’ambitieux Creep (slasher métropolitain), le non moins couillu Severance (le survival/séminaire d’entreprise) et le tragiquement sorti en DTV Triangle (qui a reçu le prix du Meilleur Inédit Vidéo au dernier festival de Gerardmer), Smith revient avec Black Death, qui, après avoir passé l’année 2010 à écumer les festivals où il s’est forgé une belle réputation, débarque donc chez nous directement en DVD, malgré son aspect plus conventionnel.
Black Death suit le voyage d’Osmond, jeune moine un peu défroqué mais en proie à la culpabilité, accompagnant une troupe de chevaliers sans peur mais pour le coup, pas sans reproche, partis à la recherche d’un village préservé de l’épidémie de peste environnante par les pouvoirs d’un nécromancien. La Peste, la magie hérétique, les chevaliers au service de Dieu, on ne peut décidément pas s’empêcher de faire un rapprochement avec Le Dernier des Templiers. Néanmoins, les similitudes ne sont vraies que sur papier, car Smith, avec toute sa finesse british, a bien compris que pour faire un film médiéval fantastique, il n’avait point besoin d’images de synthèse merdiques (bah oui, ça coute cher, et quand on rogne dessus, ça ressemble rapidement à Mega Pirhana), ni de grandes stars hollywoodiennes (ça coute encore plus cher et ça fait des caprices).
Alors, certes, s’octroyer Sean Bean rameute moins que Nicolas Cage, mais ça a l’avantage d’attirer au moins les fans du genre, les puristes, ceux pour qui l’acteur restera éternellement Boromir du SDA. Se basant uniquement sur les décors et les extérieurs, le réalisateur s’est attaché à ancrer son récit dans un certain réalisme, montrant ainsi la violence de la vie au Moyen Age, l’horreur de l’épidémie, sans pour autant se complaire dans la fange et dans le sang. Dressant subtilement le portrait de ses chevaliers, sans manichéisme ni héroïsme exagéré, Smith parvient toutefois à dépeindre les valeurs nobles de la chevalerie et les tâches (moins nobles) qui lui incombent. N’étant pas sans rappeler The Wicker Man, l’opposition chrétienté / paganisme prend ici tout son sens, le second choix apparaissant alors comme une alternative presque révolutionnaire à l’obscurantisme de l’époque. Fort de ses décors extérieurs superbes, du travail de la photo et du sens de la mise en scène de Smith, le film transporte son spectateur au cœur de cette période sombre, violente et paranoïaque, sans artifices numériques. Pour une première incursion vers l’aventure, Smith prouve réellement qu’il sait raconter une histoire, même lorsqu’il n’en est pas l’auteur (il a participé au scenario de ses trois précédents films). Bien ficelé, formellement très beau, bien écrit, Black Death joue sur le réalisme, que ce soit pour planter le décor historique ou pour traiter de l’élément fantastique du récit.
Estampillé Epouvante Horreur alors qu’il ne s’en revendique pas (ne vous étonnez donc pas de ne pas sursauter tous les deux plans, c’est pas fait pour), injustement réduit à l’exploitation DVD, Black Death est une belle surprise qui réjouira les déçus du Dernier des Templiers, les fans de médiéval fantastique et même ceux qui ne sont ni l’un ni l’autre.
Lullaby Firefly
Yep, très bon film. 🙂 (ne pas lire si vous ne voulez pas être légèrement spoilé)
De mon point de vue (mais il est tard, ou tôt), ce film est une des critiques les plus violentes contre « dieu » que j’ai pu voir dans un film. Au final, c’est peut être pas si surprenant de voir ce film terminer en DTV, c’est jamais facile de taper sur le divin sans subir ses foudres.(désolé)
La ou les « histoires » médiéval(ou pas d’ailleurs) ont tendances à taper sur la religion, il y a toujours des méchants et gentils religieux. Le coté négatif ou les dérives d’une religion est souvent personnalisé par un personnage ou un groupe qui influera comme il sera nécessaire. Les « gentils » religieux viennent donc rétablir l’équilibre et nous montrer que c’est l’interprétation d’une religion et non la religion elle même qui mène a l’épouvantable(politiquement correct).
Dans « Black Death » même avec un gourou cruel qui s’efforce d’entretenir son image de guide alternatif sans douceur, c’est le christianisme et son empire qui a le mauvais rôle, responsable des agissements de ses moutons qu’il façonne avec son omniprésence et son absence de réponse divine.
Sinon j’ai trouvé le scenario très bon. En plus j’ai été surpris par deux fois, et ça c’est mortel. Le coté négatif du « gourou » est difficile a anticiper, et le devenir du jeune moine après son retour aussi. Le film m’a fait penser à Ondine, la méthode d’approche du « fantastique » est similaire et ça marche très bien.
Le jeune moine, c’est moi ou il ressemble à Luke ?
Vive Celluloïdz ! Sans qui je n’aurais jamais vu ce film ! Bon allez dodo XD
Black Death a effectivement un traitement très réaliste du fantastique. Tout comme Ondine, il joue sur l’ambiguïté du légendaire, sans démontrer que c’est une réalité ou une croyance. Le rapport à Dieu reste très original, le film ne présentant pas de dualité interne dans l’Eglise (le bon et le méchant religieux) mais montrant cette opposition dans le peuple même, rendu plus fervant par peur de la peste ou moins croyant à cause des ravages de la maladie, et c’est effectivement assez rare dans les films médiévaux pour le souligner! Bien contents que le film t’aie plu ^^
Etant fan de Christopher Smith depuis l’excellent Creep, j’ai acheté ce film les yeux fermés et je ne regrette absolument pas ce geste fou ! Une fois encore, je suis entièrement d’accord avec ta critique, d’ailleurs, à ce propos, j’en attends une ou nous ne serions pas du même avis. Ca viendra un jour, je garde espoir 😉 En tout cas, ce qui est certain, c’est que j’ai grand plaisir à te lire…et que j’adore ce film !!!