Vénus Noire
de Abdellatif Kechiche
avec Yahima Torres, André Jacobs, Olivier Gourmet
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Saartjie Baartman est une jeune femme originaire d’Afrique du Sud, qui se retrouve, avec son « maître-employeur » Caezar devant un public londonien. Qu’y-a-t-il vraiment à voir ? Une jeune femme possédant un énorme postérieur, une « femme contrebasse », jouant la sauvage dans ce qu’on peut identifier être une foire aux monstres, entre l’homme-ours et la femme à barbe. Le film construit en biographical picture retrace les 7 années de vie de Saartjie sur le continent européen, de l’Angleterre à la France.
La première focalisation du film est le corps, corps difforme contraire aux codes occidentaux, attirant le regard de ceux qui la voient en une attirance-répulsion, toujours dans l’idée qu’on connaît les attentes d’un public : une noire se doit de performer la sauvage ? Mais Saartjie est bien plus que ça, elle sait danser et chanter, mais ce n’est ce que le public demande, étrangement si, notamment lors de deux séquences où elle captive son public en jouant de la musique sur un petit violon, permettant un réel échange avec les autres. Le réalisateur la filme pourtant en dehors des prestations telle une star, une diva, s’achetant des chapeaux et ayant des domestiques, mais tout ceci pour renforcer le côté illusoire de son statut: quand ça va Caezar l’appelle sa vedette, quand ça ne va pas ce dernier la traite de « sale négresse ». Saartjie est l’expression d’un corps entravée, enchaînée, face aux fantasmes les plus dépréciatifs du continent européen en ce qui concerne l’Afrique, un statut de vedette, un statut de monstre, un statut de noire.
La seconde focalisation est l’entourage européen, où entre en jeu la critique et la satire. « C’est pour de faux » crie Caezar lors du procès engagé pour maltraitance et la dégradation morale de Saartjie, menée par une institution anglaise s’occupant d’études africaines. « C’est pour de faux » d’avoir un fouet pendant la prestation, ainsi qu’une corde, et de la tenir pendant que les gens la tripotent. Et ce sera pire en France, dans les salons parisiens, à la fois foyer du vice et de la vertu, où la considération est absente, même le journaliste face aux larmes de Saartjie préfère inventer qu’elle est une princesse plutôt de dire la vérité sur son statut de domestique-esclave. Et le point d’orgue est l’intérêt de scientifique, porté par une idéologie acerbe, de l’infériorité des noirs. Faussement invitée par ces scientifiques, voulant l’étudier tel un animal et la traitant même comme un animal quand ils n’obtiennent pas ce qu’ils veulent, elle trouvera néanmoins une considération, un regard, qui en signifie beaucoup. L’autre personne la considérant jusque là était une prostitué, qui la pleurera.
Abdellatif Kechiche signe de nouveau un film fort en réquisitoire sur une société occidentale qui ne tient pas ses promesses et ne sait pas effacer les différences, l’assimilation est-elle un leurre ? Yahima Torres en premier rôle du film et premier rôle cinéma incarne avec justesse cette héroïne qu’est Saartjie Baartman, héroïne déchue mais par moments libre et affirmée telle une femme moderne, luttant contre sa condition. Il est mis en surbrillance que l’obscurantisme a duré plus longtemps que semble dire les livres d’Histoire et Saartjie repose de nouveau chez en elle en Afrique du Sud.
Hamburger Pimp
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