Ed Wood
de Tim Burton
Avec Johnny Depp, Martin Laudau, Bill Murray, Sarah Jessica Parker, Lisa Marie et Patricia Arquette
Etats-Unis – 1994 – 2h06
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Popularisé en 1980 quand il fut qualifié de pire réalisateur de l’Histoire du cinéma par les critiques Michael et Harry Medved dans leur livre The Golden Turkey Awards, Ed Wood traina cette mauvaise réputation jusqu’à ce qu’un autre cinéaste passionné de cinéma ne lui rende hommage en 1994, à travers un biopic faisant référence à l’esthétique des films de genre, tout en mettant en scène le fonctionnement des studios hollywoodiens des années 50.
Dans ce système où avec un titre accrocheur ou un bon pitch, vous pouviez obtenir des financements, la débrouillardise et le bagout semblaient être des armes de choix et en cela, Ed Wood était passé maitre dans l’art de la modification de scénario ou de plans de tournage.
Accompagné d’une troupe d’acteurs ratés et de stars déchues, comme Vampira, première speakrine inspirée du fantastique que l’Histoire oublia au profit de Elvira, sa copie 80’s, Tor Johnson, catcheur au physique idéal pour jouer les monstres, ou encore Bela Lugosi, premier Dracula marquant du cinéma, le réalisateur apparait comme leader charismatique d’une bande de losers.
Mais ce que Burton a voulu mettre en avant, c’est justement l’incroyable charisme qu’il fallut à Wood pour parvenir à réussir à se faire financer des films au sujet subversif comme Glen or Glenda ou dans des conditions de tournages aussi farfelues que celle de la Fiancée du Monstre. En partant d’anecdotes de tournages tenant du gag (la maquette du faux poulpe volée sans son moteur et agitée par les acteurs sur le tournage), Burton dépeint les conditions et l’état d’esprit des cinéastes de l’époque en général. Devant toujours conjugués avec les caprices des investisseurs et le manque de moyens permettant de réaliser certains trucages, l’imagination et au système D font partie intégrante du processus de création. Ed Wood devient le symbole de cette créativité bravant toutes les contraintes.
En choisissant le Noir et Blanc, Burton relève le défi de laisser de côté son univers si bariolé pour plonger son spectateur dans l’ambiance même de la période dans laquelle évolue son action. Le film est sans doute son meilleur à ce jour, les contraintes d’une histoire ancrée dans la réalité, dont les seuls écarts dans le fantastique se font du point de vue des coulisses de tournages.
Avec un casting de rêve, où, en dehors de ces acteurs fétiches Lisa Marie, Sarah Jessica Parker ou Johnny Depp, on retrouve Bill Murray ou Martin Landau, dont la composition d’un Lugosi esseulé et toxicomane lui valut de remporter l’Oscar du meilleur second rôle. C’est aussi à partir de ce film que Johnny Depp développa ce jeu si reconnaissable qu’il exploitera par la suite dans toutes ses apparitions chez Burton (le nevrosé Ichabod Crane de Sleepy Hollow, le fantasque Willy Wonka de Charlie et la Chocolaterie, Le Chapelier Fou d’Alice…) dont l’aboutissement reste le rôle de Jack Sparrow de la saga Pirates des Caraïbes.
Décalé, trop en avance sur son temps, « bizarre », passionné jusqu’à la déraison, Ed Wood est le personnage burtonnien par essence. Sa maladresse et son goût pour le travestissement en font un être atypique, gauche et marginal, un anti-héros magnifique.
Lullaby Firefly
C’est un commentaire on ne peut plus réaliste!j’adore Burton et j’adore ce film (comme tous les autres) et même si je ne connaissais pas Ed Wood avant, Burton a fait un boulot génialissime comme à son habitude! Merci pour ce commentaire très étudié Burton en serait flatté.
Merci pour ce commentaire très gentil! On va bientôt faire Mars Attacks! pour le mois de l’Extraterrestre pour continuer dans les meilleurs Burton :p
Après avoir vu ce Burton, j’ai voulu voir Plan 9 From Outer Space (le -vrai- film qu’Ed Wood tourne dans Ed Wood). J’en ai tiré deux constats : d’abord le personnage d’Ed Wood est certainement plus intéressant que son oeuvre car film est réellement très mauvais, même pour un amateur de nanards, et très ennuyeux. Pas drôle, quoi.
Et ensuite, j’ai pu constater à quel point Burton a été minutieux dans la reconstitution du tournage des scènes que l’on voit dans Ed Wood: décors, costumes, cadrages, jeu des acteurs, jusqu’à leurs gaffes… très proche du vrai!
Ce film est aussi un peu à part dans l’oeuvre de Burton dans la mesure où son habituel univers fantastico-gothique est projeté par un des personnages, et non une réalité perçue par tous. Big Fish est son seul autre film à reproduire ce schéma. Leur point commun ? Peut-être un public légèrement différent du reste de son oeuvre…
Très fine analyse! Le personnage d’Ed Wood est effectivement plus intéressant en soi que ses prouesses derrière la caméra. Le film de Burton tient plus de l’hommage du fan à un genre et une époque qu’il affectionne, hommage qu’il poursuivit dans Mars Attacks! en alliant diverses références à cet univers gothique auquel tu fais référence. Mais c’est vrai qu’Ed Wood, et dans une certaine mesure Big Fish, parlent à un public plus large que ses autres films, probablement parce qu’ils se détachent de cet univers esthétiquement parlant.
Ed Wood est, pour ma part, le meilleur film de Tim Burton pour plusieurs raisons:
1) Il pose la question de savoir pourquoi telle personne réussie ou a du succès dans la vie d’artiste. Tout en faisant ce film sur un soit disant « cinéaste nul », il prouve principalement que c’est la passion qui est créatrice et non pas l’argent.
2) Lorsque Ed Wood/Johnny Deep est dépressif, il indique à son épouse: « j’ai 33 ans et Orson Wells avait 27 ans lorsqu’il fit Citizen Kane, pourquoi je n’y arrive pas? »; par cette réplique Tim Burton aborde le sujet de la chance et de l’opportunité dans l’art et voire au delà: la vie.
3) « Il faut se battre pour imposer sa vision. A quoi ça sert de passer sa vie à réaliser les rêves des autres », impliquant que l’homme doit poursuivre son bonheur et non pas être l’esclave du délire d’un autre.
Voila ce n’est pas géniale comme réflexion, mais ça a le mérite d’exister…
Love
Phil.