Sevda Alizadeh (d’où son nom de scène Sevdaliza) est née le 1er septembre 1987 à Téhéran en Iran. Elle a, très petite, déménagé aux Pays-Bas avec sa famille où elle a même joué dans la sélection nationale de basket, tout en obtenant un master en communication. Ce n’est qu’en 2014 qu’elle se penche vers la musique, via le producteur Mucky de Rotterdam. Elle sort en janvier 2015 son premier EP, The Suspended Kid, 5 titres, puis en novembre de la même année Children of Silk, 4 titres. En janvier 2017, elle sort pour l’unique fois un titre non-anglophone, Bebin, en réaction du décret Trump anti-ressortissant de 7 pays musulmans, l’Iran en fait partie. Cela lui permet un buzz conséquent, car elle décide en plus d’annuler sa promotion aux Etats-Unis. C’est au 26 avril que sort son premier album, ISON, une œuvre qui s’inscrit dans la nouvelle mouvance Future Dark R’n’B : reprenant les codes d’instrumentaux digitaux du R’n’B moderne (Beyoncé, Usher, Chris Brown), il est ajouté plus de sonorités vaporeuses, atmosphériques, scintillantes et cristallines pour une ambiance mélancolique voire métaphysique. En tant qu’artiste indépendante (auteur-compositrice-productrice), les vues sur Youtube comptent, raison de plus de soigner ses clips, tout en assurant un mystère. Et ce sont souvent les mêmes thèmes qui reviennent : le corps (elle aime bien être dénudée dans ses clips et puis toutes les chanteuses le font, non ? Elle le fait avec style), la machine, la question de l’esprit, de l’âme et de la société. Et dans la mise en scène de certains clips, on ne peut s’empêcher de penser au cyborg Motoko Kusanagi, personnage de Ghost in the Shell songeant à des questions similaires dont Mamoru Oshii a magnifié le corps dans l’adaptation animée cinéma. Regardons les clips pour y voir plus au clair.
Les paroles de That other girl, chansont tirée du premier EP The Suspended Kid, sont les mêmes pour les deux couplets et ainsi que le refrain :
He never knew what I was made of (il ne savait pas de quoi j’étais fait)
Heat couldn’t melt me, cold couldn’t waver me (La chaleur ne pouvait pas me faire fondre, le froid ne pouvait pas me faire vaciller)
He never knew my form or shape (il n’a jamais connu mes formes)
His heart couldn’t melt me, water couldn’t bathe me (Son cœur ne pouvait pas me fondre, l’eau ne pouvait pas me mouiller)
Caught in Camden with a stare (attirée à Camdem par un regard)
He took me all the way in despair (Il m’a pris du chemin du désespoir)
Operating from another world (opérant d’un autre monde)
I want to be that other girl (je veux être cette autre fille)
That other girl
Want to be that other girl
I want to be that other girl
Pour le rapport à Ghost in the shell, c’est l’introduction du film avec la création des cyborgs : le travail à la chaîne dans un endroit qui semble être à la fois un laboratoire et une usine futuriste. Pour Sevdaliza, c’est finalement un musée du vide (les images de réseaux sociaux), dont le clip rend très bien la dimension statique, le début du clip laisse paraître au départ que c’est son espace mental. On note dans les deux cas la présence de l’eau mais aussi l’effet de lévitation. Après sur les sonorités de Sevdaliza, il est sous-entendu une question de lutte (la multiplicité des corps masculins face à elle l’unique corps féminin, drapée d’armure), ce qui est la suite du long-métrage animé avec les courses poursuite et les comabts à mains nues. On peut aussi se poser la question du reflet (comme la séquence de plongée de Motoko Kusanagi) avec la notification de la multiplicité de son visage, des objets et des espaces, qui, assurant la stature d’héroïne de Sevdaliza, ne mettent pas à l’aise. Finissons avec un petit rappel de l’introduction du film de Mamoru Oshii, afin de se rafraîchir la mémoire.
Passons au second clip qui continue dans l’idée de l’introduction du film Ghost in the shell. Il est tiré du second EP Children of Silk. Il s’attelle un peu plus sur la création robotique, tout en ayant un titre très iconique…
Bien que Ghost in the shell ne réfléchit pas vraiment sur la matière, hormis à la dernière scène d’action du film, étant donné que le clip ne présente que des parties de corps (notamment des bras) ou un corps entier (la reproduction de Sevdaliza, peut-être qu’on a filmé pour une partie du clip son vrai dos), on reste dans des similitudes (câbles entre parties du corps). La différence, originale, est que la musique de Sevdaliza se révèle plus douce que celle de Kenji Kawaï, dans la vision du même processus de création du corps. Les corps vont du cristallin (le bras explosant au début) au liquide avec cette teinture argentée brillante, exceptée le corps de Sevdaliza, hormis à la fin. Pour les paroles, les couplets sont aussi très similaires et vu le titre à qui on fait référence, c’est très marqué sentimentalement :
It’s true (C’est vrai)
In this life (dans cette vie)
I’ve never been the one (je n’ai jamais été l’unique)
In your eyes (dans tes yeux)
I’ve never been the truth (je n’ai jamais été la vérité)
All you saw (tout ce que tu as vu)
Was a broken mirror (était un miroir brisé)
And they told (ils m’ont dit)
Me to care (de m’en soucier)
When tryin’ to fix your heart (en essayant de réparer mon cœur)
It’s unfair (c’est injuste)
I’m tryin’ to fix myself (j’essaye de me soigner moi-même)
And not care too much about you (sans trop penser à toi)
Voix samplée de Marilyn Monroe
He never really wanted me to be his wife (il n’a jamais voulu que je sois sa femme)
I was nothing more than a trophy (je n’étais rien d’autre qu’un trophée)
It was incredibly suffocating (c’était incroyablement suffocant)
I’d find myself wanting him rather dead than alive… (J’aimerais plutôt le retrouver mort que vivant)
De situations amoureuses, Sevdaliza met en scène à deux reprises une ambiguïté entre déshumanisation, humanisation et robotisation : le dilemme de la femme-objet ou plutôt une femme iconique est-elle forcément objectivée ? Ou même comment le personnage de Motoko Kusanagi réfléchit sur l’objectivation de la femme ? Après tout on la voit souvent nue… Bref, tout ceci pour dire que même si vous n’avez pas attendu cet article, ou l’article de mon camarade Hollyshit pour vous passer de la vision de Ghost in the shell avec Scarlett Johansonn, il y a des remakes de grandes œuvres toujours bien plus intéressants sur le net, que ce soit en tant que fan ou en tant qu’artiste faisant un clin d’œil. En clair, remaker pourquoi pas, y mettre de la réflexion c’est mieux.
Hamburger Pimp
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