Nie yin niang
De Hou Hsiao-Hsien
Avec Shu Qi, Chang Chen, Yun Zhou
Taïwan – 2015 – 1h45
Rating:
[Prix de la mise en scène du Festival de Cannes 2015]
Chine, neuvième siècle. Fragilisé par les rebellions, l’Empereur a tenté de reprendre le contrôle en s’organisant en régions militaires, mais les gouverneurs essayent désormais de les soustraire à son autorité. Devenu gouverneur de la province de Weibo, Tian Ji’an décide de le défier ouvertement. Au même moment, sa cousine et ancienne future épouse Nie Yinniang revient dans sa famille après de longues années d’exil…
Ce qui marque en premier dans le dernier film de Hou Hsiao-Hsen, c’est son esthétique car il est très, très beau et c’est un euphémisme. Cela grâce au chef opérateur Mark Lee Ping-Bin, le seul rival actuel d’Emmanuel Lubezki (trois Oscars d’affilée pour Gravity, Birdman et The Revenant, il a aussi opéré sur Post Tenebras Lux de Carlos Reygadas et Tree of life de Terrence Malick). Après une introduction dans un noir et blanc sublime, nous faisons l’expérience tour à tour de la lumière naturelle, de jour comme de nuit, conjuguée ou non à des filtres ou des teintes de couleurs. D’ailleurs, le travail des couleurs se remarque sur les scènes d’intérieur – comme le foyer de Yinniang ou le palais seigneurial – avec des dominances de vert, rouge, jaune et bleu. Et ces mêmes scènes proposent un excellent travail du cadre, à la fois ouvert et fermé, pour un jeu d’équilibre et de déséquilibre, notamment pour les discussions toujours formelles entre les personnages (on ne parle jamais pour ne rien dire chez Hou Hsiao-Hsien). Les personnages montrent sans montrer leurs sentiments, leurs inclinaisons émotionnelles (Yinniang qui va jusqu’à cacher son visage pour pleurer).
Le traitement esthétique se retrouve aussi sur le travail des plans d’ensemble et de demi-ensemble sur les grands espaces naturels (campagnes, rochers, montagnes, relief et altitude), avec aussi des dominances de couleur de la nature (vert et jaune). Cela est un est des éléments de la dramaturgie de la nature. En effet, les motifs de végétation, de fumée, de feu et d’eau sont symboliques d’apaisement et de calme mais aussi de troubles et de tourments d’âme. De plus, le metteur en scène taïwanais fait une économie des mouvements de caméra, assez lents permettant la contemplation. Par conséquent, la dramaturgie de la nature est empreinte d’entre-deux. C’est un wu xia pian mais avec peu de combats (même l’assassine ne tue pas beaucoup de monde), c’est un mélodrame sans être un mélodrame (les tensions entre concubines du gouverneur Tian Ji’an…) et surtout il y a une dimension fantastique, le genre de l’entre-deux par excellence. Cela passe principalement par le personnage principal, la belle Yinniang jouée par Shu Qi. Devenant progressivement une femme sans âge comme ses compères Zhang Ziyi, Lucy Liu et Gong Li (un point commun avec des actrices italiennes d’époque), l’actrice taïwanaise joue un personnage étant à la fois fantôme et sorcière, sabreuse et espion, féline (art de l’esquive plus que l’art de tuer) et minérale.
D’ailleurs le film, au rythme des tambours métronomiques, est aussi un conte d’initiation pour le personnage, qui aboutit à sa vraie voie… peut-être est-ce l’amour du voyage…
Hamburger Pimp
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