La bobine Super 8 tourne, chante, crache une image sale, granuleuse, sur la toile blanche. De nouveau, nous sommes plongés avec Ellison, au cœur de sa solitude, dans une œuvre qui, aux vues des précédentes, promet d’être sordide. Nous voilà maintenant définitivement immergé dans la pellicule intitulée Lawn work 86 et, en même temps, dans les yeux de l’assassin : l’espace de quelques minutes, nous n’assistons plus à Sinister, nous sommes les victimes plus ou moins consentantes de l’implacable mise en abîme qui s’y joue. Il y a ici un véritable travail sur les notions de temps vécu et de temps perçu, les deux vont progressivement se dissocier, le second semblant s’étirer à l’infini. Une étrange musique, grave, sourde, accompagne ces quelques plans nocturnes maladroits, décadrés, tournés par le voyeur : par la fenêtre, nous découvrons à l’intérieur une famille réunie sur le canapé devant la télévision… il règne une ambiance chaleureuse, cependant, le regard pervers, glaçant, qui les fixe, les filme, suscite un malaise certain, une véritable impression d’inquiétante étrangeté. Qui est-il donc ? Que veut-il ? Pourquoi eux ? Quel sort leur réserve-t-il ?
Quelques jump cut plus tard, le macabre metteur en scène semble avoir découvert ce qui lui permettra de rendre son œuvre unique : dans le garage, plongé dans la pénombre, il filme de courts plans emplis d’une satisfaction désagréable de l’outil de son art… Il démarre la tondeuse à gazon et nous embarque à son bord, s’engage dans le jardin. Aucun bruit pourtant, juste la bande-son rauque couvrant tout le reste. L’obscurité profonde s’étalant de toute part au-delà du halo de lumière projeté par la caméra, nous empêche de voir ce qui pourrait venir de devant, et pourtant, nul doute que quelque chose va arriver tôt ou tard dans le champ, jaillissant d’un hors-champ terriblement indéterminé ! L’appréhension est la somme de toutes les peurs… et notre imagination travaille, le temps perçu s’étirant encore et encore alors que la tondeuse ne cesse d’accélérer dans l’herbe humide, fonçant vers une issu incertaine mais fatale ! On aimerait pouvoir l’arrêter mais nous ne contrôlons rien ! Puis une masse blanche se tortillant, dans un cri d’horreur, apparaît subrepticement en bord de cadre avant de se faire happer par les lames, nous fait bondir de notre siège en même temps que Ellison sur lequel nous revenons en un cut brutal ! Le climax sanglant attendu ne sera pas inscrit sur la pellicule, par contre, dans notre esprit, il est bel et bien présent, on ne peut plus concret, y laisse une empreinte abject indélébile !
En bonus, un dessin signé Elmidea
Naughty Bear
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