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Qu’Allah bénisse la France
D’Abd Al Malik
Avec Marc Zinga, Sabrina Ouazani, Larouci Didi
France – 2014 – 1h36
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Régis, avec son petit frère Pascal, ainsi que ses amis Mike et Samir, s’imaginent stars du rap hexagonal. Mais pour cela, il faut réaliser une maquette, et cela coûte de l’argent. De là, les quatre compères vont être face au dilemme d’être prêts à tout pour tout pour réussir. Car ces jeunes veulent se faire entendre du fin fond de leur cité dortoir de Strasbourg…
Adaptant son propre livre, comme quand Guillaume Galienne adaptait son propre spectacle, Abd Al Malik offre au cinéma français un nouveau récit autobiographique teinté de conte d’initiation et d’apprentissage. Mais cette fois-ci, c’est dans un noir et blanc stylisé rappelant le film culte de Matthieu Kassovitz, tout en faisant référence dans la première scène du film, à Do the Right Thing de Spike Lee (quand des noirs dévisageaient des flics et vice versa dans les rues de New York). Il est donc logiquement question de survie urbaine, pour ne pas dire western urbain. En effet, dans toutes les cités dortoirs, voire les milieux populaires, le cinéma de gangsters ou de renégats, bref le cinéma avec des flingues nourrit énormément l’imaginaire collectif (dont la voix off du héros parcourant le film, évoque). Et la dure réalité cogne les personnages, en plus du bitume : d’un côté le deal, le vol à l’arraché ou les trahisons ; de l’autre les ravages de la drogue, du banditisme ou la folie… Pourtant Régis et son groupe de musique souhaitent uniquement réaliser leur rêve… Sans rage et sans mal.
Ce n’est pas non plus une esthétique de la ruine, mais celle du béton : des murs trop épais pour pouvoir s’évader, la cité à l’allure de prison ouvert, bref un sentiment constant de huis-clos. Alors la musique, combinée à la religion, proposent une discours sur la spiritualité. On peut même préciser que la spiritualité apparaît comme une nécessité, un besoin dans ce milieu hostile fait de pressions sociales. Cela donne un voyage sur place, un voyage intérieur du héros. Du changement de nom quand il se convertit à l’islam (où le pèlerinage à La Mecque est en fait un voyage au Maroc pour rencontrer les soufis), au succès de ses études (Abd Al Malik a deux masters), c’est avec le microphone que le héros s’exprime le mieux. Le rap permet l’expression de l’âme de Régis/Abd Al Malik, le rap qui se passe de méritocratie, à l’inverse des études, juste l’honnêteté est à prouver.
Néanmoins, un reproche peut se remarquer. C’est le côté trop sobre de la romance, du romantisme, bref des rapports homme-femme. Entre Régis et Nawell, la fille qu’il a toujours aimé, pas de contact tactile, pas de baiser, pas d’acte sexuel (trois étapes de la rencontre amoureuse au cinéma). Cela n’empêche pas de regarder un film fort, courageux, qui fait résonner 20 ans de représentation de la banlieue, des fils d’immigrés africains, de la jeunesse populaire et de la misère sociale. Abd Al Malik continue où Kassovitz a commencé.
Hamburger Pimp
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