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Godzilla
De Gareth Edwards
Avec Aaron Taylor-Johnson, Elizabeth Olsen, Bryan Cranston, Ken Watanabe, Juliette Binoche
Etats-Unis / Japon -2014 – 2h
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Les années 2010 seront l’âge d’or du blockbuster, le terrain ayant été déjà largement déblayé et balisé par les parrains du genre, Spielberg en tête, et par les nouveaux petits génies qui émergèrent ces 15 dernières années. Depuis quatre ans, le rythme s’accélère et la production de méga-productions s’intensifie, chaque studio lançant régulièrement son lot de projets de grande envergure, Disney et Warner en tête.
2010, justement est l’année de sortie de Monsters, premier long métrage de cinéma, écrit, réalisé par Gareth Edwards, jeune prodigue des SFX s’étant fait les dents sur des docu pour la télé, opérant du coup également sur les effets spéciaux et la photo du film. Monsters portait déjà ce gigantisme et la capacité de le mettre en scène de Edwards. Avec peu de moyens, il est parvenu à livrer un film atypique, une romance sur fond de catastrophe déclenchée par une espèce extraterrestre géante, prouvant au passage sa finesse et son ingéniosité en matière de mise en scène du gigantisme. Cela faisait donc de lui le meilleur choix pour un projet de l’envergure de Godzilla.
La dernière tentative américaine de s’approprier le mythe du Roi des Kaiju, signée Emmerich en 1998, avait avorté d’un film catastrophe lambda avec un monstre dedans, avec un scenario bourré de clichés et des jokes à deux francs toutes les quatre lignes pour rythmer des dialogues plats. La version Warner 2014 ne tombe pas les mêmes écueils. Entre temps, le 11 septembre a marqué notre société, sa vision et sa représentation de la catastrophe. Le blockbuster des années 2000 a amené cette soif de réalisme dans un genre qui ne s’en souciait guère quelques années auparavant. Et comment crédibiliser le gigantisme si ce n’est en jouant sciemment sur les échelles, le rapport taille humaine / taille monstre ? Tel qu’il l’avait déjà exploité dans son précédent film, Edwards excelle dans la représentation du gigantesque, du point de vue humain, puis dans son ensemble, créant un suspense fabuleux en retardant le moment où il dévoile son monstre, jouant sur ce qu’en sait le spectateur, ce qu’il veut voir, tout en ne perdant jamais pour autant en clarté.
Rarement les disaster movies n’avaient atteint une telle perfection dans la forme comme dans le fond, reposant sur une structure certes basique (on suit les déplacements de Godzilla) mais efficace, jamais linéaire car habilement utilisée. Les scènes d’attaques fourmillent d’idées de mise en scène brillantes, les scènes d’action sont riches et légion et les « respirations » toujours justifiées, conservant un lien avec les humains, la famille Brody, les soldats et le commandement militaire avec David Strathairn et les scientifiques avec les persos de Ken Watanabe et Sally Hawkins. Au final, ces trois « groupes » d’humains apportent trois points de vue différents sur les évènements, à des endroits stratégiques, donnant un visage aux victimes, ne délaissant jamais l’idée de “pertes humaines”, rappelant sans cesse que la destruction de la ville et des bâtiments reste synonyme de mort violente en masse. On est bien loin des délires geek de Pacific Rim où seul le combat/spectacle prime, sans soucis de crédibilité ou de réalisme. Chez Gareth Edwards, nous sommes avant tout dans un film catastrophe, la destruction des villes s’accompagnant forcément du drame de la mort de milliers de personnes. Il n’est pas seulement question de Godzilla, mais de l’impact que ce dernier exerce sur l’Humanité.
Sans en dire davantage sur l’intrigue (car clairement, moins on en sait sur le film, mieux c’est), ce Godzilla 2014 cherche clairement à conserver l’esprit et la philosophie intrasèque à la franchise japonaise, dans sa vision du Kaiju, pas si éloignée au final du discours instauré dans Monsters. Ajoutons à cela qu’il bénéficie d’un casting aussi surprenant que judicieux, Aaron Taylor-Johnson livrant un jeu bien plus étonnant que dans Kick Ass, atteignant la stature d’un Jake Gyllenhal et Bryan Cranston confirmant son immense talent, et vous aurez une idée de la perfection.
Vrai génie des SFX, Gareth Edwards avait impressionné avec son précédent film en prouvant qu’il pouvait avoir un rendu parfaitement crédible avec un petit budget. Le mettre à la tête d’un projet de 160 millions de dollars portant sur LE monstre le plus célèbre du cinéma assurait à coup sûr la vraie réussite de l’entreprise. C’est donc bien confirmé, Gareth Edwards fait définitivement partie des noms à suivre, et probablement un des meilleurs artisans dans cette intellectualisation du blockbuster.
Lullaby Firefly
Hello,
je suis assez frileuse devant ces grandes productions « numériques » mais mais curiosité l’emporte à chaque fois 😉
Mais Juliette Binoche (znort) !
J’ai toujours ma VHS King Kong contre Godzilla au cas où 😉
Salutations et encore merci pour ces informations
S.
Le film est relativement bon, il a juste un mauvais titre qui peut induire en erreur. Ça aurait du s’appeler MUTO (feat. Godzilla).
Sinon j’ai été assez surpris par l’incroyable faculté de l’armée a continuellement perdre de vue des monstres de plusieurs centaines de mètres, ou a découvrir des cratères géants seulement une fois arrivés au bord – tout ça pour quelques effets de surprise visuelle déjà vus mille fois, et ruinés par l’échec de la « suspension of disbelief ». La scène du site de stockage de déchets nucléaires, pour ne citer qu’elle, en devient hilarante.
Dans un blockbuster nolanesque, ça pique. A contrario dans Pacific Rim par exemple, l’aspect délire geek assumé autorise une bien meilleure tolérance aux incohérence (ah bah on avait oublié la super-épée).
Pour conclure sur une note positive, les 20 dernières minutes sont plutôt jouissives, et le design du Godzilla fait bien plaisir 🙂