Mandela: Long Walk to Freedom
de Justin Chadwick
Avec Idris Elba, Naomie Harris, Tony Kgoroge
Afrique du Sud/Grande-Bretagne – 2013 – 2h26
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Nelson Rolihlahla Mandela est né le 18 juillet 1918 dans un village d’Afrique du Sud. Devenu avocat, il lutte pour le droit des siens, les noirs d’Afrique du Sud victime de l’Apartheid. Mais suite à la mort d’un de ses amis, passé à tabac par les flics , il s’engage dans l’African National Congress…
La première fois que j’ai entendu le nom de Nelson Mandela, c’est lors de ma première session à la piscine municipale avec l’école primaire: c’est le nom de la piscine, créée alors qu’il était encore emprisonné. Et Mandela accomplit bien plus qu’une vie, il en a eu 3. Il y a d’abord celle de la lutte, entre sit-in, actions de désobéissance civile ou discours militant. Cela va jusqu’à la question des armes et du sabotage dans la clandestinité, raison de son arrestation, et « la révolution n’est pas un dîner de gala » disait Mao. De ce postulat, c’est un corps noir et musclé qui s’impose, de toute sa grandeur (ça aide quand on fait 1 mètre 90). C’est une matière élevée entretenue par la pratique de la boxe, comme si Muhammad Ali faisait de la politique ? Le vrai en a fait à sa façon, mais pour le personnage cinéma Mandela, le ring est tout un pays. De là, un cadrage ou surcadrage qui essaie de contenir ce corps, un cadrage qui devient par conséquent motif d’oppression préfigurant le motif d’emprisonnement. Face à cela, le corps du personnage veut fuir le cadre, le traverser voire le transpercer tel un barrage de policiers: transgresser pour ne plus être opprimé.
Dans sa seconde vie, la plus dure, la prison, Idris « Mandela » est un corps noir prolétaire dans une prison aux allures de camp concentrationnaire, quand à l’extérieur, sa femme Winnie, campée par l’excellente Naomie Harris, est un corps noir beau que l’on veut enlaidir. Les corps abattus par la suite dans les townships seront par conséquent un résonance du corps des couples. Alors la réflexion de la vengeance comme seul justice apaisante apparaît. Mais aussi peu à peu ce couple engagé deviennent des corps qui s’opposent de plus en plus : la troisième vie. Le corps de Mandela a changé, il est âgé, il ne ressemble plus à celui qui était paré d’un pagne zulu lors de son mariage au village, d’où la réplique « vieillard usé et fatigué qui fait pousser des tomates. » Et Winnie devient un corps oscillant entre cygne blanc et cygne noire, la révolution est un bain de sang, la haine se mélange à la passion… Certes, on souhaite tous une révolution de velours, comprenez en douceur, une révolution culturelle, bref un changement des mentalités, celle qui peut passer par les urnes (Barack Obama, élection révolutionnaire, mandat qui ne l’est pas), mais l’idéal ne commence pas forcément avec une révolution idéale. Alors revenons sur ce corps, dont on pourrait suggérer qu’il devient sagesse, patience et méditation (bien qu’il peut effectuer encore quelques pas de danse fétiches). Il ne subit plus la réalité oppressive, il est au-delà, il écrit la réalité… et le pardon, ce pardon passant à la télévision du pays provoquait une résonance sensorielle au vue des séquences violentes réalisées tout au long du film (une réponse différente de son voisin du Zimbabwe Robert Mugabe, qui bénéficie d’une certaine aura bizarrement…).
De cette réinvention de la réalité, on réinvente les formes: le salut militaire des hauts officiers lors de son investiture suite à son élection. En effet, l’ancien couloir de la mort de sa prison revient en miroir avec ce couloir de son palais présidentiel qui le mène jusqu’au balcon face à la foule, au peuple. Le corps s’impose toujours de lui-même dans ce couloir de la gloire, couloir de l’Histoire. Pour finir, voir la personnalité africaine du siècle dernier se faire momifié, canonisé par le cinéma alors qu’il n’est pas loin de nous quitter, est un sentiment à la fois triste et beau. Madiba!
Hamburger Pimp
NDLR: l’article a été rédigé avant l’annonce du décès de Nelson Mandela.
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