Cloud Atlas
de Tom Tykwer, Andy et Lana Wachowski
avec Tom Hanks, Halle Berry, Jim Broadbent, Hugo Weaving, Hugh Grant, Jim Sturgess et Susan Sarandon
Allemagne/Etats-Unis/Hong Kong / Singapour – 2012 – 2h52
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Andy et Lana Wachowski (Matrix, Speed Racer) accompagnés pour l’occasion de Tom Tykwer (Cours, Lola, cours, Le Parfum) s’attaquent au roman à succès de David Mitchell : Cloud Alas. Jugé inadaptable, il fallait une brochette de réals sévèrement burnés (Lana surprend encore…) pour tenter de donner un sens, sur grand écran, à ce casse-tête de la littérature.
Six histoires, toutes a priori indépendantes, tracent le portrait de personnages tiraillés entre le bien et mal, en proie à des choix moraux qui semblent se faire écho d’une époque à l’autre. Un voyageur en plein pacifique au 19e siècle, un compositeur en Belgique dans les années 30, une journaliste californienne en pleines seventies, un éditeur anglais de nos jours, un clone dans la Corée futuriste de 2144 et un homme tribal dans une époque post-apocalyptique. Et pour pimenter le challenge, ce sont les mêmes acteurs qui interprètent les belligérants des différents récits. Une sorte de « Où est Charlie » animé où l’on retrouve grimés, Tom Hanks, Halle Berry, Hugh Grant, Hugo Weaving, et bien d’autres, campant chacun un rôle par époque. Un choix osé, original, mais surtout réellement astucieux, puisqu’il permet de signifier les conséquences de certains actes au travers les époques, sans jamais avoir besoin de l’expliquer lourdement. Chaque acteur semblant jouer la propre réincarnation de son rôle, dans les six époques. Une sorte de Rubik’s Cube où les comédiens incarnent une pièce sur chacune des faces.
Le principal enjeu, quand on s’attaque à un tel chantier, c’est aussi de ne pas perdre le spectateur au milieu de tant d’informations. Et là encore la mise en scène est efficace. Le montage parallèle, forcément omniprésent, saute d’une époque à une autre sans embrouille. Les univers et personnages sont suffisamment expressifs et distinctifs les uns des autres, pour faciliter nos points de repères. Certains personnages sont même à la limite de la caricature; prix à payer pour se rappeler immédiatement qu’Halle Berry en pat’ def tenant bloc-note, est la journaliste dans les années soixante-dix. Un schéma que l’on retrouve pour chacun des personnages principaux. Cloud Atlas est aussi un formidable terrain de jeu pour les réalisateurs. Un prétexte génial pour surfer entre les genres et les ambiances. Et à ce jeu là, le savoir-faire des Wachowski se fait vite ressentir, surtout pour les passages de science-fiction, réellement impressionnants, non sans rappeler l’ambiance Matrix.
Si, au niveau de la mise en scène, tout est soigneusement pensé pour simplifier la compréhension et bluffer le spectateur, c’est au niveau du scénario que le bât blesse. Les six histoires avancent avec une torpeur gériatrique, chacune construisant un semblant d’intrigue de roman de gare. Certaines sont liées, d’autres pas ; difficile de trouver des repères, d’être captivé. On avance péniblement dans ce brouillard épais, espérant découvrir au bout du chemin, la raison de ce périple. Cette dernière pièce du puzzle qui donnerait tout son sens au film. Celle qui éclairerait et lierait les six faces du Rubik’s Cube. Ce rouage final arrive dans les dernières minutes, le moment pour enfin tout comprendre et, être définitivement sûr d’avoir perdu près de trois heures de son temps. Une conclusion en roudoudou, aux allures de pseudo trip philosophico-bouddhiste sorti de l’esprit d’Eve Angéli. Trois heures pour compléter un puzzle Fisher-Price, on est loin de l’exploit promis. Comme pour la saga Matrix la complexité apparente sert à masquer le vide intérieur. Seule différence de taille : avec Matrix, au moins, on prenait son panard.
Zelig
Critique un peu rude, les 3h passent très vite et le film reste cohérent du début à la fin. Ce n’est pas l’oeuvre de la décennie, c’est certain, mais tout de même très loin de mériter une allusion à Eve Angéli.
Un bon film, avec un montage exceptionnel. L’ambition de ce projet était déraisonnable, pari donc réussi pour les Wachowski (et Tykwer).
Pour le montage je rejoins, ou presque. Je trouve le système un poil abrutissant sur la longueur, mais c’est malgré tout une sacrée performance. Le souci d’un film aussi ambitieux, qui laisse planer un mystère pendant près de 3 h, c’est qu’il est condamné à finir sur un putain de Rosebud. C’est loin d’être le cas… Pour Eve Angeli, c’est un peu gratuit, je te l’accorde (elle ne mérite pas ça ^^), mais c’est tout ce que j’ai trouvé pour souligner l’affligeante naïveté des dernières minutes. C’est en tout cas mon sentiment. J’ai hâte de lire d’autres critiques, je pense que le film va beaucoup diviser.
Attention Spoiler (vous êtes prévenu)
Je ne comprends pas la naïveté reprochée à la fin, l’ensemble du film, mais pas juste la fin. La fin est le fil rouge, la conversation entre Sonmi451 et l’Architecte qui est éparpillé tout au long des trois heures (même si la conversation ne réside ni à la fin du film, ni à la fin des siècles traversés. Elle est le point du chaos). Le film ne possède pas d’intrigue qui nécessiterait une révélation brutale et transcendante, nous sommes plus dans une forme de démonstration linéaire ou les personnages évoluent par pallier avec ou sans éléments déclencheurs. Une forme de Karma (ce doit être l’allusion bouddhiste). Les personnages de T.H. sont ceux qui offrent la plus grande transformation, mais c’est clairement identifiable bien avant d’arriver à la moitié de la durée du film.
Je pense aussi que le film va diviser, entre génial et navet, deux positions trop extrême à mon goût. Par contre je viens de voir les faits d’armes du monteur, sa filmo est effrayante. XD
Spoiler aussi !!!
Le film se termine, sur une phrase du type « soit bon dans ta vie et tu seras récompensé dans une vie prochaine », le tout dans un grand moment d’émotion. Oui j’ai trouvé ça guimauve, mais effectivement c’est le film entier qui est sur ce ton, c’est juste clairement exprimé dans les dernières minutes. Pour la révélation, je n’attendais pas forcément à quelques chose de brutal, une justification beaucoup plus forte. Finalement j’ai vu ce film comme une curiosité, parfois même impressionné par la forme, mais à aucun moment je n’ai été pris par l’histoire, trop creuse.
Ps : pour la filmo du monteur je te rejoins !
Bon j’ai enfin vu la chose. Zelig, ta critique est ultra-sévère mais néanmoins juste. J’ai bien aimé le film, c’est trippant à regarder mais ça manque effectivement de profondeur. Le genre de film un peu mystérieux dans lequel il n’y a finalement rien à comprendre mais plutôt à ressentir. J’avais également peur du côté guimauve mais c’est plus digérable que je ne l’espérais. Ce n’est pas Tree of Life en effet mais ça reste un bon divertissement New Age et les Wachowski, qu’on les aime ou pas, démontrent qu’ils tiennent à cultiver leur singularité. En bon fan de SF, j’aurai néanmoins lâché une troisième étoile.
Houla, Matrix vide de sens ? Franchement ça me semble un peu superficiel comme jugement surtout quand on sait que plus de la moitié des spectateurs n’ont pas vraiment compris l’histoire tellement les thématiques étaient complexes à saisir. Pour ce Cloud Atlas, c’est un peu la même chose. Les wachosky ne se reposent pas sur du vide. Leur travail est souvent emprunt de philosophie et de religion. On peut les traiter de mystiques ou d’illuminé new age, mais on peut aussi voir le propos de leur film comme ce qu’il est, à savoir une tentative d’illustration du principe du karma. Alors bien sur on peut ne pas croire au karma, aux réincarnations… mais balayer ces croyances en disant que c’est du eve angeli un peu vide, c’est un peu con con. Bon après je dit pas que le film déborde un peu trop de bon sentiments et que l’entrelacement des histoires empêchent les spectateurs de s’identifier aux personnages… Mais le scénario et sa mise en scène (ainsi que son montage incroyable) ne sont pas vide de sens. Il faut juste creuser un peu.
Zelig ne dit pas que les croyances liées au karma sont vides et que les gens qui y croient sont des Eve Angéli. Il parle du message véhiculé par le film qui résumerait ces croyances mystiques à un truc genre « l’amour, c’est ce qu’il y a de plus beau » ou « le Bien c’est mieux que le Mal ». J’ai bien aimé « Cloud Atlas », c’est un spectacle SF vraiment sympa, mais il n’y a rien à creuser. C’est effectivement vide, philosophiquement parlant. Du moins, ça manque de pertinence dans sa réflexion, de hauteur dans sa métaphysique. Ça peut faire illusion, grâce à la complexité de l’histoire, avec ses personnages que l’on retrouve d’une histoire à l’autre, mais ça relève plus d’une virtuosité scénaristique que d’une vraie réflexion intellectuelle. A moins que tu nous prouves le contraire bien évidemment…
« Ce film repose sur le vide? » « Matrix » aussi? Ptdr …
Sans vouloir vexer ceux qui ont émis un tel jugement, les films des Wachovski reflètent juste ce que vous avez à l’intérieur de vous.
Je suis donc désolé pour vous que vous y voyez que du vide …
Une critique ne représente jamais qu’un avis. Moi, personnellement, en ce qui me concerne, je pense que le cinéma des Wachovski est un tantinet surestimé. Que ce sont d’excellents réalisateurs pour filmer de l’action, du divertissement, mais que leur symbolique, leurs messages ne dépassent pas le rez de chaussée. Mais tu as sans doute raison. Ca doit « refléter ce que j’ai à l’intérieur » et dorénavant j’éviterai de voir leurs films en période de forte constipation.