E.T. The Extra-Terrestrial
De Steven Spielberg
Avec Pat Welsh, Dee Wallace, Henry Thomas, Drew Barrymore
Etats-Unis – 1982 – 1h58
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E.T. est d’une certaine manière le fer de lance d’une génération de films qui ont imprégnés les années 80. Ce constat s’observe autant par les productions Amblin de cette décennie qui en seront le plus digne étendart que par l’une des spécificités du métrage qui est de développer une histoire principalement destinée à un jeune public sans pour autant le faire avec complaisance. Autant le dire clairement, Spielberg ne prend pas les enfants pour des cons et c’est sans doute l’une des raisons de son succès au fil des années, génération après génération. On pourrait comparer cette approche de l’enfance à celle de John Hughes sur l‘adolescence américaine, en y mélangeant habilement l’humour à la nostalgie d’un temps révolu. Spielberg est principalement référencé par le grand public comme un cinéaste de science-fiction, et on observe que de manière similaire à Rencontres du troisième type il traite ici de la rencontre entre l’humain et une forme de vie inconnue sur le sol terrestre, et il en sera de même avec son remake de La guerre des mondes sorti en 2005. Le cinéaste aborde donc toujours le genre en gardant un pied ancré dans une certaine réalité, délaissant l’immensité de l’espace à l’inverse de nombreux films sortis lors des deux décennies précédentes (2001 l’odyssée de l’espace de Stanley Kubrick, Star Wars de Georges Lucas, Alien de Ridley Scott, …), vague qui s’essoufflera vers la fin des années 80.
L’approche universelle, qui justifie en partie son succès mondial, provient notamment de sa simplicité, tant au niveau du scénario que de la caractérisation des personnages. Évitant ici de s’aventurer dans de la science-fiction pure et dure, Spielberg choisi finalement de se servir du matériau pour offrir l’une des plus belles amitiés du cinéma. Le film joue sur trois tableaux: l’aventure, l’humour et l’émotion. Grâce à cet habile mélange découle un divertissement qui symbolise en grande partie la filmographie du metteur en scène. Dans une moindre mesure, Avatar de James Cameron se rapproche de E.T. par son universalité, les deux films ayant d’ailleurs été injustement critiqués par leurs détracteurs pour leur sois disante naïveté et simplicité. Flirtant constamment avec l’imaginaire de l’enfance, le personnage de E.T. est parfois identifiable à un ami imaginaire, celui que les adultes ne voient pas. Le traitement des personnages parvient à créer un réel attachement pour cette famille représentant typiquement la middle class américaine. On comprend qu’il s’agit d’une des réalisations les plus personnelles de Steven Spielberg qui y insuffle une part de son vécu et son obsession de la cellule familiale, l‘un de ses thèmes récurrent, ici développé par l’absence du père et la solitude qu’elle entraîne pour le trio incarné par Henry Thomas, Robert MacNaughton et Drew Barrymore. Spielberg lui même déclarera qu’il s’agit là de son film le plus intime. Les adultes sont davantage présentés comme une menace. Le récit principal est entrecoupé de scènes où l’on peut voir des hommes aux visages peu identifiables et dont le chef de file n’est représenté qu’à travers le porte-clés qu’il porte à la ceinture. Le mal qui hante le récit n’est autre que l’être humain lui-même, dont les intentions ne sont jamais réellement étalées, si ce n’est de vouloir capturer par tous les moyens cet être qui leur est inconnu. Ce combat entre le monde des enfants et celui des adultes culmine lors de la scène de l’envol des vélos, tel un départ vers le pays imaginaire. A l’inverse, le personnage de E.T. apparaît comme un être sans la moindre intention néfaste et qui décide même de se sacrifier pour sauver le jeune Elliot. Son seul souhait étant de rentrer chez lui et de retrouver les siens, un sentiment profondément humain voir même enfantin.
Trente ans après sa sortie, les rides du temps se ressentent quelque peu, notamment dans les incrustations, la qualité exemplaire du Blu-ray ne faisant pas de cadeau à ce niveau là. Quand à la marionnette de ET, elle traverse efficacement les années grâce à un travail fabuleux au niveau du regard qui offre une vaste palette d‘émotions. On est d’ailleurs heureux de constater que la scène du bain ajoutée lors de l’édition vingtième anniversaire, sortie en 2002, a ici disparue et se retrouve dans les bonus comme scène coupée, Spielberg ayant rapidement compris son erreur à contrario de son ami Georges. L’image de cette édition Blu-ray est donc sublime et permet d‘apprécier au mieux certaines scènes comme par exemple la première rencontre entre E.T. et Elliot près de la grange, le plan fixe étant ici sublimé par un joli travail sur la lumière qui transparaît réellement à l‘écran grâce au support. Bien fourni en bonus, les fanboys pourront même se diriger vers deux éditions proposant des goodies, la première offrant une peluche ressemblant davantage à un écureuil atrophié qu’à l’extra-terrestre et une deuxième plus onéreuse comprenant une reproduction du vaisseau. Enfin, comment traiter du film sans revenir sur sa partition musicale signée John Williams, l’une de ses meilleures compositions dont les envolées (notamment celle de la scène finale) ont toujours un effet lacrymal.
Pour revenir plus en détail sur le film lui-même, l’une des scènes les plus marquantes, et peut-être la plus réussie du film en terme de mise en scène, reste cette séquence présentant l’interaction à distance de E.T. et du jeune Elliot via la diffusion sur un écran tv du film L’homme tranquille de John Ford, sorti en 1952, retranscrivant en simultané la scène du baiser entre John Wayne et Maureen O’Hara par le baiser de Elliot avec l‘une de ses camarades de classe. Ce passage offre quelques secondes de magie dont Spielberg a le secret et qu’il parvient à insérer dans bon nombre de ses œuvres, ces passages détachés du récit, hors du temps et qui éblouissent toujours par l’inventivité de leur mise en scène.
Pour reprendre la fameuse formule du tristement célèbre Jacques Séguéla, on pourrait dire que si gamin tu n’as pas vu E.T., tu as en partie raté ta vie. J’exagère? Peut-être d’un iota mais il est à noter que le British Film Institute a tout même établi une liste de films à voir avant d’atteindre les quatorze bougies et l’on y retrouve sans surprise notre petit extra-terrestre en tête du classement. Pourquoi ça? Sûrement parce qu’il symbolise l’insouciance et l’innocence qui s’atténuent une fois entré dans le monde adulte, et un film qui nous renvoie aussi fortement à de tels sentiments peut communément être appelé un chef-d’œuvre.
Nico Darko
Je me souviendrai toujours de la première fois que j’ai vu ce film.
Salle audiovisuelle de l’école primaire, en CP.
On matait un film par semaine, ou par mois, je ne sais plus, les enfants et la notion du temps, tu sais…
Mais je me souviens juste être assis dans le noir, avec les deux classes de CP, les deux maitresses assises sur le côté.
J’avais appris le français l’année d’avant, et y avait deux ou trois trucs dans les dialogues qui avaient dus m’échapper.
Mais j’avais été entièrement emporté par le film, fasciné, scotché, ému, amusé.
Puis est arrivé ce moment à l’hôpital, où la gamine débarque avec le pot et la fleur fanée, où E.T. est en train de mourir.
J’ai voulu pleurer, mais je me suis retenu.
J’étais un petit garçon, je ne voulais pas pleurer devant tout le monde.
Je ne savais pas qu’on pouvait faire ça pendant un film, pleurer.
J’ai regardé autour de moi, tout le monde pleurait, même « le chef de la bande », même la maitresse était émue.
Je me suis lâché.
Ca, Roger Rabbit, puis plus tard, Jurassic Park ont participé à m’ouvrir une envie, une vocation.
Je te remercie pour cet article vraiment bien, vraiment, vraiment bien.
Aujourd’hui, la scène que je préfère est celle des grenouilles.
On dirait presque du Boris Vian.
Merci.
Merci pour ce retour et c’est ce que j’appellerais un putain de joli commentaire !
J’ai un peu le même sentiment que toi à propos du film étant donné que j’ai dû le visionner un bon paquet de fois durant mes années de primaire. Et j’abonde dans ton sens concernant la scène des grenouilles, ce passage comprenant la scène du baiser que j’évoque dans l’article reste aussi mon favori.