1979, débarque sur les écrans l’un des films qui va changer la donne en matière de science-fiction: Alien, de Ridley Scott, qui s’inscrit comme l’une des œuvres phares des années 70. Suivront trois autres suites dirigés par des réalisateurs toujours différents et dont la carrière ne demandait alors qu’à décoller. Retour sur l’une des franchises les plus passionnantes et les plus intrigantes du septième art, dont le développement n’aura pas toujours été des plus aisés.
Alien, de Ridley Scott (1979)
S’il est aujourd’hui considéré comme l’une des œuvres majeures en matière de science-fiction, Alien a pourtant connu une mise en chantier assez laborieuse, tant son approche du genre se voulait novatrice et ambitieuse. A l’origine de cette aventure, un homme, Dan O’bannon, scénariste de l’œuvre. Camarade de classe de John Carpenter avec qui il coécrit Dark Star (1974), O’Bannon planche pendant un moment sur l’adaptation de Dune prévue à l’époque sous la direction de Alejandro Jodorowsky. L’aboutissement du projet n’ayant jamais lieu sous la houlette de ce dernier, O’Bannon se consacre à l’écriture d’un nouveau script, d’où naquit la première ébauche d’Alien. Walter hill, producteur et réalisateur, fut rapidement attiré par le scénario et accepta de le produire. Ce choix n’est pas dû à une simple appréciation du récit de sa part mais surtout de l’engouement du public de l’époque pour la SF suite à la sortie de Star Wars en 1976. Pour dépeindre au mieux l’univers recherché l’équipe du film accueille l’illustrateur Ron Cobb, le dessinateur Moebius pour la conception des costumes et bien évidemment l’artiste suisse Hans Ruedi Giger dont Dan O’Bannon avait fait la connaissance lors du projet avorté de Dune. Suite au refus de plusieurs réalisateurs, les producteurs contactent Ridley Scott qui accepte rapidement et avec enthousiasme le poste alors qu’il n’a à son actif que le métrage Les Duellistes (1977). C’est à la vision de deux illustrations de Giger que Scott sait pertinemment qu’il a trouvé sa créature, ces illustrations se nommant respectivement Necronom IV et Necronom V. Le film parvient à maintenir une ambiance pesante, le Nostromo devenant rapidement un cimetière flottant pour ses occupants qui tentent de faire face à la créature. Cette dernière hante le film et reste encore aujourd’hui une référence en la matière, tout comme la manière dont le récit fait intelligemment sombrer la science fiction vers l’horreur totale, à tel point que chaque film s’essayant depuis à la SF horrifique se voit indéniablement comparé à l‘œuvre de Scott. A l’époque de sa sortie, il se démarque aussi par un esthétisme bien moins lisse que les autres productions, le design intérieur du Nostromo ne faisant que renforcer le climat oppressant. La réussite de l’ensemble provient clairement de l’addition des talents respectifs de O’bannon, Scott et Giger qui ont su créer une œuvre foncièrement maîtrisée. Cette maîtrise se ressent encore aujourd’hui, les scènes phares ayant toujours la même force trente ans plus tard, qu’il s’agisse de la découverte du Space Jockey ou de l’apparition soudaine du facehugger. L’impact auprès du public à sa sortie n’en demeure que plus compréhensible, le genre étant ici abordé de manière très adulte.
Aliens, de James Cameron (1986)
Motivés par le succès du premier film, les producteurs décidèrent rapidement de mettre une suite sur les rails. Celle-ci était d’ailleurs prévue dès 1979 mais ne verra le jour que sept ans plus tard, en 1986. Cette fois-ci l’écriture du scénario se retrouve attribuée à James Cameron qui décide d’adopter une tout autre tournure. Écrit très rapidement par ses soins, le script d’Aliens laisse de côté l’aspect purement horrifique du premier film, se rapprochant bien plus de l’esprit des actionner au sommet dans les années 80, notamment dans la caractérisation des personnages. Aidé par la popularité acquise grâce au succès critique et public de Terminator (1984), Cameron prend totalement le projet en main. Sigourney Weaver reprenant le rôle de Ripley, le réalisateur décide de centrer son récit sur le lien maternel qui va se créer entre cette dernière et la jeune Newt, unique survivante de la colonie décimée par les xénomorphes. Aliens reprend néanmoins une bonne partie des scènes ayant contribuées à la réussite du premier opus, qu’il s’agisse de la présence d’un traître au sein de l’équipe ou de la première apparition de la créature, fondue elle aussi dans le décors. Les producteurs étant certainement trop proche de leur porte-monnaie, ils décidèrent de se passer de l’aide de H.R.Giger, préférant laisser là encore carte blanche à Cameron. S’il en reprend globalement les bases, il modifie tout de même légèrement le design des créatures au niveau du crâne, modification qui ne plaira pas vraiment à leur paternel. Malgré ça, ce dernier salue l’esthétisme offert à la reine. L’apparition de celle-ci étant d’ailleurs une idée totalement originale de Cameron qui par ce choix abandonne la théorie émise par le film de Scott selon laquelle les victimes de la créature serait ensuite à l’origine de la création des œufs (scène visible dans le director’s cut). Ce que le film gagne en action, il le perd en mystère, les xénomorphes devenant ici de simples cibles se jetant bêtement sur les tirs des soldats. Hélas, ce manque de crédibilité et cette démystification même du mythe lui font du tort, faisant notamment disparaître toute force de suggestion. Aliens reste tout de même une suite de très bon niveau, une variante de l’univers imaginée par Cameron qui y instaure sa propre vision plutôt que de singer bêtement le film de Ridley Scott.
Alien 3, de David Fincher (1992)
Le succès étant à nouveau au rendez vous, la franchise est ainsi parfaitement mise en place et dès lors un nouvel opus est en préparation. Ce troisième épisode connaît des difficultés, la direction scénaristique devenant rapidement un casse-tête. Pour relancer la machine, Alien 3 emploie une pirouette scénaristique assez basique pour justifier la mort de l‘équipage et la découverte d‘un embryon dans le corps de Ripley. Qu’il s’agisse de l’écriture du scénario ou de sa réalisation, ce troisième film fut une expérience douloureuse, en particulier pour le jeune, et alors inconnu, David Fincher. Avant de lui attribuer le poste de réalisateur d’autres personnalités furent approchées. Ainsi, Ridley Scott déclina l’offre pour cause d’indisponibilité. Renny Harlin est pressenti avant de quitter le projet suite à des idées scénaristiques frôlant l’absurde. Pour faire simple, le scénariste Eric Red imagine une trame dans laquelle les aliens auraient la faculté d’assimiler tous les objets et structures environnantes afin d’en prendre la forme, un peu à la manière du T-1000 dans Terminator 2 … On a échappé au pire. D’autres noms tenteront vainement de rédiger un script efficace, de David Twohy à Vincent Ward, mais les idées proposées ne faisant pas l’unanimité, il finira par être rédigé dans l’urgence par les producteurs Walter Hill et David Giller, accompagnés par Larry Ferguson. Viendront ensuite les déboires de Fincher avec les studios qui lui laisseront une marge de manœuvre très réduite sur le tournage et ne lui feront aucun cadeau lors du montage. Bien qu’il s’avère assez bancal et rencontre quelques baisses de rythme, Alien 3 parvient à se rapprocher du premier film par son ambiance et sa représentation iconique de la créature. La mise en scène de Fincher apporte une touche particulière au film qui reste le plus sombre de toute la saga.
Alien, la résurrection, de Jean-Pierre Jeunet (1997)
Suite à la sortie du troisième volet, la franchise semblait être arrivée en bout de course: recettes mitigées au box office, refus de Sigourney Weaver de rempiler suite à la sortie du trois, … Que nenni ! Et cette fois ci c’est le français Jean-Pierre Jeunet qui se retrouve aux commandes de ce quatrième opus. Encore une fois il s’agit, à l’époque, d’un réalisateur en début de carrière. Dans la cas de Jeunet, ses deux premiers films, Delicatessen et La cité des enfants perdus, ayant apparemment attirés l’oeil des financiers. Sa participation sera confirmée après les refus de cinéastes tels que Danny Boyle ou David Cronenberg. La mise en chantier se déroule plus facilement que pour le métrage de Fincher, notamment grâce à une élaboration du scénario moins chaotique, l’idée principale étant défini dès le départ avec la présence d’un clone de Ripley, cette dernière décédant à la fin de l’histoire précédente. Derrière le script se trouve un nom qui fait beaucoup parler de lui, en bien comme en mal: Joss Whedon. Malgré l’absence une nouvelle fois de Giger durant la pré-production, Whedon imagine une nouvelle créature nommée « le nouveau né ». Son apparition à l’écran est hélas sans réel intérêt si ce n‘est de reprendre la structure finale des deux premiers films. D‘ailleurs, la version de Jeunet se rapproche assez largement du film de Cameron dans divers aspects, mais de manière bien moins aboutie, les soldats étant notamment ici remplacés par des pirates. Doté d’un budget de 70 millions de dollars, Jeunet fait ce qu’il peut pour imposer sa vision via sa mise en scène. Malgré ça, le film reste assez vain dans son désir de relancer la saga, le second degré du film n’étant pas toujours très bien agencé. Les personnages restent quant à eux le soucis majeur du film, caricaturaux et inintéressants, ils manquent clairement de profondeur et apparaissent comme de simples figurants de série b. Alien, la résurrection manque cruellement d’âme et la triste impression qui en ressort est que Joss Whedon et Jean-Pierre Jeunet ne semblent pas avoir pris la franchise au sérieux.
Nico Darko
Super dossier sur cette saga mythique.
Néanmoins, je suis vraiment pas d’accord sur certains points (qui sont d’ailleurs des arguments que je retrouve sans cesse et qui me semblent complètements bancals).
Pour commencer, voici ma critique sur Alien 3 (posté sur sens critique) :
« C’est fade et c’est risible…
Je trouvais déjà que tous les films de Fincher sont surestimés, mais alors celui-ci est le pire. Transformé un mythe du cinéma d’horreur et de tension en un vulgaire slasher agrémenté de pseudo mysticisme, il fallait le faire… Fincher est très bon sur la forme, mais c’est tellement creux pour le fond… (Il atteint d’ailleurs le paroxysme avec Fight Club). Bref il aurait dû continuer à faire des clips et laisser le cinéma aux grands…
Le 1er était terrifiant. Le second était certes plus… enfin c’est du Cameron quoi, mais il avait ce côté crade et organique… Et la psychologie de Ripley, sa relation avec la gamine, il y avait quelque chose !
Là on se retrouve avec une femme en chaleur qui baise avec le premier venu, un directeur de prison caricatural et un illuminé qui fait de la philosophie de comptoir…
Et l’Alien…. Mon Dieu, qu’il fait pitié… On se croirait dans un film de série B (et encore, mieux vaut des trucages système d que ce « truc » de synthèse…
J’ai mis 3 étoiles parce qu’il y a surement quelque chose à sauver ? Allez, pour les acteurs qui jouent plutôt bien. »
Quant à Alien Résurrection, je le trouve plutôt réussit (surtout esthétiquement) et je suis surpris de lire que Cronenberg avait été préssenti (qu’est-ce que ça aurait donné !! un truc bien dingue surement… par contre, je remercie le ciel que Danny Boyle n’ait pas accepté, là on courrait à la catastrophe).
Bref, pour moi le 3 est une véritable erreur dans la saga et pour le reste voici mon classement : 1 – 2 – 4 ; et Prometheus que je n’ai pas encore vu 🙂
C’est l’éternel débat entre le 3 et le 4. Lequel est en trop ? Pour ma part, le 4 est une catastrophe hormis les séquences avec Brad Dourif en savant fou, seule avancée dans la saga. Je le trouve irregardable 15 ans après (effets spéciaux immondes, dialogues caricaturaux et personnages transparents) et je suis d’accord avec les arguments de Nico. Concernant le 3, s’il est loin d’être parfait, j’aime sa dimension planet opera avec cette prison sur une planète isolée et ensoleillée qui n’est certes pas originale mais qui permet au film de se démarquer fortement des autres, cherchant à innover là où le Jeunet ne fait que mélanger celui de Cameron et de Scott et ce, à la va-vite. Baclé. Au final, le seul intérêt du 4 est de mettre en évidence à quel point le style Jeunet n’est qu’une copie faiblarde de celui de Terry Gilliam.