Puzzle of a Downfall Child
de Jerry Schatzberg
avec Faye Dunaway , Barry Primus, John Heffernan
Etats-Unis – 1970 – 1h44
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Au milieu de tous les talents générés par le Nouvel Hollywood, Jerry Schatzberg est sans doute l’un des plus discrets. Ecrasé par les superstars Coppola, Scorsese et consorts, le père Schatzberg fut pourtant l’un des cinéastes les plus intéressants des 70’s. Palmé avec L’Epouvantail, c’est aussi lui qui, deux ans auparavant, révèle Al Pacino dans le poignant Panique à Needle Park. La sortie en dvd et blu ray de son premier film, est l’occasion d’admirer ce portrait intime, d’une ancienne gloire de la mode éjectée du circuit, tombée dans l’oubli et l’alcool.
Ancien photographe de mode réputé, Schatzberg devait initialement, tourner un documentaire pour la télévision sur Ann Saint Marie, avec qui il avait entretenu une relation professionnelle et sentimentale. C’est après une série d’entretiens avec cet ancien mannequin rongé par la dépression, qu’est née l’idée d’en réaliser une fiction. Enfin, fiction ou presque, tant la dimension autobiographique semble omniprésente dans ce Portrait d’une enfant déchue, qui a pour fil conducteur, une interview entre Aaron Reinhardt, ex photographe et Lou Andreas Sand, ex mannequin… Schatzberg pousse l’ambigüité de cette mise en abyme à son paroxysme, en proposant le rôle de Lou, à Faye Dunaway, elle aussi, ancienne compagne de l’étalon newyorkais.
Le film s’ouvre sur un décor quasi bergmanien. Quelques plans dévoilent peu à peu, une bicoque échouée sur une plage désertique. Un panneau où est inscrit « no trespassing » est planté devant la modeste maison de Lou. Un clin d’œil à Citizen Kane, qui semble indiquer, comme dans le premier film de Welles, que l’on s’apprête à pénétrer dans l’intimité de Lou.
Le fil conducteur du film est cette entrevue entre la recluse (Faye Dunaway) et son ancien acolyte photographe, Aaron Reinhardt (Barry Primus), avatar à peine dissimulé de Schatzberg. Après quelques échanges de regards, on devine leur complicité passée et un désir plus ou moins partagé. Aux regards passionnés de Lou, répondent ceux, plus affectueux et soucieux, d’un Aaron venu rendre visite à une « vieille » amie en perdition. Impression que l’on retrouve un peu plus tard dans une scène qui aurait pu/dû être trivial, mais qui au contraire révèle toute la pudeur et la subtilité de la mise en scène. Aaron sort de la salle de bain, après avoir assouvi un besoin urgent, en prenant soin de rabaisser la lunette. Acte immédiatement réprimandé et rectifié par la maitresse de maison. Quoi de plus intime qu’une vulgaire lunette de chiotte pour symboliser leurs sentiments. L’un a tourné la page et ne veut surtout pas remuer le passé, et l’autre, emplit de regrets, désire que tout redevienne comme avant.
La subtilité du film doit aussi énormément à la virtuosité du montage, qui sur fond de récit, fait s’entremêler les souvenirs, fantasmes et hallucinations d’un esprit torturé, brisé. Le montage de ce Portrait d’une enfant déchue, est assez symptomatique des tentatives post Nouvelle Vague, entreprises par les jeunes réalisateurs du Nouvel Hollywood. L’idée n’est surtout pas de nuire à la fluidité du récit, mais plutôt de l’enrichir et d’y insuffler du rythme.
A la fois esquisse précise du monde la mode dans les 60’s et portrait tendre d’une femme détruite par le succès, ce premier film de Schatzberg, longtemps invisible, est une pépite désormais accessible à tous. A quand un remake par Xavier Durringer et Patrick Rotman, sur la dépression d’un ancien mannequin, reconvertie première dame et vivant ses dernières semaines sous les feux de la rampe ?
Zelig
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