The mill & the cross
De Lech Majewski
Avec Rutger Hauer, Charlotte Rampling, Michael York
Pologne, Suède – 2010 – 1h32
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1564, la guerre des religions fait rage en Europe. Le roi d’Espagne occupe la Flandre avec des cavaliers en tunique rouge, chargés de traquer ceux considérés comme hérétiques. C’est à cette même période, que le peintre Pieter Bruegel, décide de finaliser son tableau « Le portement de la croix », entre tourment et chaos dans son petit village…
En premier lieu, je crois qu’il est important de noter le travail manuel et artisanal comme possible communion avec la nature. Par cette idée, le réalisateur nous met en scène des bûcherons, se baladant dans les bois à la recherche d’un arbre à abattre avec une étonnante minutie, ils en diagnostiquent certains, l’oreille sur le tronc. Il montre aussi les fermiers préparant leurs animaux, bovins ou volatiles, dans des danses baroques (on aimera beaucoup danser dans le film). Et de plus grande ampleur, le metteur en scène polonais effectue un travail esthétique sur le meunier dormant et travaillant dans son moulin grandissime, où l’on fabrique la farine et le pain, où pour l’actionner, un personnage monte des escaliers qui n’en finissent pas. Il est tel Orphée revenant des enfers. Une fois la mécanique de bois démesuré enclenché, il se dégage une impression sismique, des vibrations intenses (un travail remarquable du son). Pour finir sur l’idée du travail artisanal, évoquons le protagoniste peintre (Rutger Hauer, en pleine forme en ce moment avec Hobo et le prochain Argento). À une certaine époque les artistes étaient des vrais artisans, Lech Majewski ne fait pas pour autant le passéiste. Mais comme les autres artisans, Bruegel se lève tôt et se montre minutieux en observant la nature pour mieux la comprendre, la reproduire ou l’imiter. Alors nous pouvons penser à ces paroles de la Bible déclamant que Dieu nous a crée à son image. Il serait alors le meilleur des artisans, d’où le signe de la croix à l’abattement de l’arbre, d’où la prière silencieuse bénissant le pain quand on l’achète et quand on le mange et d’où lé référence religieuse du tableau. Je vous laisse par conséquent à la bande-annonce avant de vous retrouver pour la suite de la critique.
De ce 3d sans lunettes, du fond vert substitué par un fond de toile de peinture, Lech Majewski avec comme référence le travail pictural de Bruegel, met en lumière l’adage du cinéma « comme fenêtre sur le monde ». Le monde pictural de Bruegel est d’abord une expression exacerbée de la nature avec différents niveaux et échelles de plan dans l’espace et le temps. En effet, les toiles de peinture, comme les photographies d’ailleurs, peuvent avoir ce caractère d’arrêter le temps ou de le rendre absent, comme si il n’existait plus dans l’œuvre pictural. Pour le film en question, c’est le premier choix qui est appliqué, avec des magnifiques essais d’arrêt sur image variant selon les parties du tableau, notamment le moulin géant (un travelling vertical pour signifier la présence divine, cool). Et tout ceci est au service du sacré, car Bruegel, dans son tableau, peint la Passion du Christ, les douze stations avant la crucifixion. L’image du fils de Dieu est au centre de la toile (très bonne reproduction des croquis), mais le regard va et vient sur les autres évènements du tableau. La Passion peut être considéré comme la première figure de l’oppression et de l’injustice faite aux hommes, la première marque de la répression de l’élévation des hommes par les ténèbres et l’obscurantisme, les inquisiteurs espagnols son signifiés en rouge sang (couleur de la Passion du Christ) et apparaissent dans la séquence d’exposition du long-métrage sous la brume et le brouillard du matin. Dans le contexte du film, Jésus peut s’apparenter aux habitants de Flandres et la tyrannie est signifié par les cavaliers rouges. Quant à la présence de Dieu, il est évident que c’est le meunier et son moulin, il arrête même le temps.
De l’acte de peindre comme un acte politique, le film se révèle l’anti-Avatar. Et de la représentation du sacré, l’œuvre en devient sacré aussi. Oui, Celluloïdz réaffirme à nouveau, sa conception de l’art comme le nouveau sacré pour les hommes, une idée qui parcourut André Malraux et les Beatles, plus célèbres que Jésus. D’ailleurs, il en est comme preuve de notre parti pris, un lien avec le réalisateur : son dernier plan montre le tableau de Bruegel dans le lieu sacré de l’art, son église sous une forme différente ; le musée. Je crois que la citation exacte de Fiodor Mikhaïlovitch Dostoïevski est « la beauté sauvera le monde et l’art en est son instrument ».
Hamburger Pimp
J’ai parcouru l’article, et je ne peux m’empêcher de réagir à cette phrase : « André Malraux et les Beatles, plus célèbres que Jésus. »
D’une c’est faux bien sûr. Et de deux, même si c’était vrai, quel intérêt ? Pour moi, ça discrédite juste le reste de l’article…
Quoi??
Je précise mon « quoi » : tu réagis à une phrase et tu n’es pas d’accord. La question n’est pas de dire ce qui est faux ou vrai, mais le sentiment que je veux dégager, l’art comme possible nouveau sacré. De là je me permets les références que je souhaite, tout en faisant un clin d’oeil à un propos des Beatles, précisément John Lennon, disant « on n’est plus célèbres que Jésus ». À ton tour de préciser le discrédit de l’article par ses propos. Dire qu’on n’est pas d’accord c’est une chose, mais l’expliquer c’est encore mieux, donc il m’en faudrait un peu plus pour comprendre ton point de vue.