Livide
de Julien Maury et Alexandre Bustillo
avec Chloé Coulloud, Félix Moati , Jérémy Kapone, Catherine Jacob et Marie Claude Pietragalla
France – 2011 – 1h30
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Alors que les derniers métrages fantastiques français à être sortis en salles étaient relativement médiocres et alors que les potentiels s’échappent à Hollywood dans une fuite des cerveaux incessante, le tandem Bustillo/Maury semble organiser une certaine résistance. Ne cédant pas à l’appel des sirènes outre Atlantique, qui ont sans nulle doute afflué, répercussion de la petite bombe A l’intérieur, les deux cinéastes ont monté un projet à l’opposé du précédent, un film dans la plus pure tradition de l’Horreur baroque, se revendiquant de l’héritage du Fantastique italien, Argento et Bava en tête , n’oubliant pas non plus la filiation française de Franju. Combinant les grandes lignes des films de maison hantée, bien que ce ne soit pas là le propos, une esthétique partagée entre le giallo, dont ils reprennent les codes de mises en scène pour le meurtre et celle de l’Épouvante gothique et revisitant bon nombre de figures fantastiques (vampires, sorcières, etc.), le film s’attache à créer une ambiance particulière s’appuyant sur de magnifiques décors, imposants et sinistres, et des costumes inventifs, donnant une vraie personnalité à la maison et aux étranges entités qui l’habitent.
Et des idées visuelles, le film en regorge. Chaque pièce de la maison possède sa spécificité, son atmosphère, son code de couleur, correspondant à celui du personnage qu’elle représente (noir pour Pietragalla, blanc cassé pour l’enfant, rouge pour Catherine Jacob, gris pour Lucie). Bustillo et Maury font vraiment preuve d’inventivité dans le traitement graphique de leur film, lui apportant une identité propre et allant bien plus loin esthétiquement que tous leurs prédécesseurs dans le genre, Le Village des Ombres en tête, s’offrant des incursions salvatrices dans le gore décomplexées et originales. Respectant les codes inhérents au genre comme l’utilisation de la musique, sublime, tantôt faite de violons mélancoliques, tantôt écrasante et furieuse de cuivres rageurs et de percus sourdes.
Néanmoins, et ce malgré une grande créativité dans le graphisme et la mise en scène des éléments angoissants, Livide souffre d’un scenario trop classique, et donc, trop prévisible, qui prend des chemins un peu casse gueule vers la fin, explorant trop de pistes à la fois sans pour autant toutes les aboutir, le film perd en cohérence. Les dialogues tombent parfois à plat, trop nombreux et pas forcément nécessaires, l’aspect visuel étant déjà suffisamment important. Le jeu d’acteur en souffre ainsi par moment, perdant en crédibilité. Les prestations des deux Chloé (Coulloud et Marcq) restent très prometteuses, les deux jeunes actrices défendant bien leur beurre face à Catherine Jacob, glaçante d’ambiguïté, et à Marie Claude Pietragalla, impassible et froide. Pourtant, bien des scènes sont ingénieusement réalisées, dans la mise en place du suspense, le montage mais finissent par être noyées sous l’accumulation de scènes moins bien écrites et superflues.
Malgré un scenario reposant sur un schéma trop classique et un peu trop bavard, Livide n’en reste pas moins travaillé et pensé esthétiquement, fourmillant d’idées graphiques novatrices, de scènes orchestrées avec intelligence et originalité (la scène de la dinette, la chambre secrète, splendides) et s’appuyant sur des décors sublimes, Bustillo et Maury livrant sans nul doute un des plus beaux films de genre français depuis des lustres.
Lullaby Firefly
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