Joshuu 701-gô: Sasori
de Shunya Ito
avec Meiko Kaji, Rie Yokoyama et Isao Natsuyagi
Japon – 1972 – 1H23
Rating:
Le sous genre Women In Prison puise ses origines dans des séries B des années 50, souvent influencées par les pulps, avant d’être repris par le cinéma d’exploitation mondial, et ce dès 1968, avec le 99 Women de l’espagnol Jesus Franco. Dès lors, le sous genre va lui même donner naissance à de multiples variations, aboutissant à l’apparition de la Naziploitation ou encore de la Nonnesploitation.
Ainsi, lorsque Shunya Ito décide de porter à l’écran la série de mangas Sasori de Toru Shinohara, il engendre ainsi sans le savoir les débuts du sous genre dans son pays natal, le Japon, sous l’impulsion de la Toei, bien décidée à exploiter tous les filons possibles des Pinku (film érotique). Comme ses homologues italiens ou américains, La Femme Scorpion reprend les codes basiques du genre, faisant flirter érotisme et sadisme, supplice et sensualité, asservissement et vengeance.
La Femme Scorpion, c’est avant tout la sublime Meiko Kaji, qui interprète le rôle éponyme de cette femme bafouée et trahie qui restera muette devant les brimades dont elle fait quotidiennement les frais, muette même dans la vengeance. Au final, elle reste digne malgré les avilissements dont elle est victime, inspirant autant la convoitise que la haine. Et en matière de brimades, Ito sait faire preuve d’imagination. Travail de forcenés, supplices sans fins (creuser un trou puis le reboucher et ainsi de suite), violence permanente des gardiens et de certaines prisonnières « privilégiées », La Femme Scorpion épouse les codes du WIP, tout en le mettant à la sauce japonaise (bondage, scènes presque fantastique comme l’agression dans les douches), dressant un portrait cinglant de la vision de la femme dans la société nippone. Plus classique dans la forme et dans la narration que les deux suivants, il pose néanmoins les bases de la saga, en explicitant au maximum la personnalité de Matsu, qui ne s’exprimera quasiment pas, à part pour narrer la trahison de son amant au début du film.
Bien qu’il se permette quelques scènes plus stylisées, notamment la séquence du viol (filmée en contre plongée et entrecoupée d’un panoramique à 360, évoquant le vertige du viol collectif, avec changement d’éclairage, filtres de couleurs,etc.), Ito s’attache d’avantage à raconter son histoire, à soigner sa mise en scène, notamment pour les séquences les plus importantes (les angles de vue multiples, les changements de cadrage, du large au gros plan pour la scène des travaux forcés, anthologique). De même, la scène de la douche surprend par sa mise en scène, la colère se muant littéralement sur le visage de la prisonnière, avec éclairage rouge et changement de coiffure et de maquillage, la faisant ressembler à un démon, comme le représentaient les masques du théâtre Nô. Mais au delà du WIP, Ito n’oublie pas qu’il construit également un film de vengeance, jouant sur les souffrances de Matsu avant de livrer une dernière séquence sur fond de la chanson Urami-Bushi, thème de la saga, la séquence ultime de la vengeance de Matsu, vêtue d’une capeline et d’un imper noir, chacune des victimes de Mastu éclairée par un halo vert, comme pour signifier la piqûre du scorpion (le vert étant généralement acquis comme couleur du poison), avant de montrer le résultat de sa vengeance, le cadavre. Seule la mise à mort de son amant est sans ellipse, nous suivons la scène de l’ascenseur jusqu’à la mort de celui ci, sur le toit de l’immeuble. Le film prend fin sur un plan de Matsu rentrant dans le couloir de la prison, calme et impassible, apaisée par sa vengeance.
Bien moins soigné dans la mise en scène que le seront les deux suivants, La Femme Scorpion n’en demeure pas moins aussi important. Porté par Meiko Kaji, fascinante icône de l’exploitation au même titre que Pam Grier ou Tura Satana, le film définie ce personnage central, héroïne des temps modernes, vengeresse des femmes, « pour toutes les femmes », selon les paroles de Urami-Bushi, qu’interprète l’actrice.De film en film, Ito s’affranchit du carcan érotique pour affiner sa critique de la misogynie de la société japonaise, critique qu’il étayera et qu’il élargira dans Elle s’appelait Scorpion et La Tanière de la Bête.
Lullaby Firefly
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