Hardcore
De Paul Schrader
Avec George C. Scott, Peter Boyle, Season Hubley
États-Unis – 1979 – 1h49
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Suite à la disparition de sa fille, Jake Van Dorn engage un détective privé pour la retrouver. Celui-ci lui apprend qu’elle tourne dans des films pornographiques. Totalement dévasté par cette nouvelle, Van Dorn décide de partir à sa recherche.
Si Paul Schrader est principalement connu pour avoir été le scénariste attitré de Martin Scorsese sur Taxi Driver, Raging Bull, La Dernière Tentation du Christ et A Tombeau Ouvert, on en oublie trop souvent sa carrière de réalisateur. Sorti en 1979, Hardcore dépeint l’industrie pornographique de l’époque. On y retrouve des poncifs tels que les scènes de tournage tournant au ridicule ou encore le producteur atypique mais derrière cette façade il nous fait aussi plonger vers ses dérives les plus horribles.
Simplifier le propos du film reviendrait à dire qu’il évoque la confrontation entre deux mondes que tout oppose, celui de Jake Van Dorn, père de famille et chef d’entreprise dont les convictions religieuses définissent le mode de vie, et celui du porno, plus globalement de l’industrie du sexe. Aux antipodes l’un de l’autre, cette confrontation est le point central du récit, autour duquel s‘articule l‘intrigue. Car Schrader ne simplifie pas son film à une banale rhétorique sur l’opposition entre ces deux univers, il signe ici un thriller où la quête d’un père pour retrouver sa fille transforme le métrage en un drame poignant.
La prestation de George C. Scott dans le rôle du père est admirable en personnage bourru qui laisse peu à peu extérioriser ses sentiments. La scène où il découvre sa fille à l’écran dans un vieux cinéma reste certainement le passage le plus éprouvant tant toute l’horreur de la situation se lit sur son visage.
Sortie trois ans après Taxi Driver, la patte du scénariste du film culte de Martin Scorsese se perçoit très aisément tant de nombreux points communs s’établissent entre les deux œuvres. Le personnage de Jake Van Dorn se retrouve dans un univers inconnu, dans lequel il déambule de manière fantomatique à la manière de Travis Bickle. De plus, la relation presque spirituelle de son personnage avec une prostituée renvoie évidemment à celle des personnages de Robert De Niro et de Jodie Foster, le personnage principal instaurant dans les deux cas une sorte d’aura protectrice sur le second. Enfin, quand on connaît un minimum la biographie de Schrader et sa jeunesse marquée par une éducation calviniste à la manière de celle prodiguée dans le film, on se rend compte de l’implication hautement personnelle du réalisateur à travers son script.
Paul Schrader teinte néanmoins son film de quelques passages plus légers comme lors de ce casting pour un film X fictif, pour lequel le personnage de Van Dorn se retrouve accoutré d’une perruque et d’une fausse moustache, le faisant passer pour un Tom Selleck période Magnum avant l‘heure. Mais cet aspect se retrouve principalement au milieu du récit, lors de la première partie de son périple en ville, la suite sombrant de manière bien plus appuyée dans la noirceur en abordant le snuff movie.
Impossible de ne pas faire le lien avec le film 8mm de Joel Schumacher, sorti en 1999, et dont l’inspiration que fut Hardcore ne fait aucun doute. Cela dit, la comparaison s’arrête là tant le film de Schumacher verse de manière quasi-systématique dans le voyeurisme, là où Hardcore fait preuve d’une subtilité bien plus appropriée, tant par ses choix de mise en scène que dans le traitement de ses personnages. Pour en revenir à la relation entre le personnage principal et Niki, une prostituée interprétée par Season Hubley, elle demeure au final l’une des véritables forces du film, ces deux êtres qui n’auraient jamais « dû » se rencontrer mais dont les affres de la vie vont concilier.
Hardcore est un film qui reste relativement méconnu mais qui mériterait amplement de gagner en popularité tant cette quête d’un père prêt à tout pour retrouver sa fille est traitée avec justesse. Paul Schrader a beau être considéré comme un moraliste, on assiste davantage à une œuvre imprégnée de ses questionnements intérieurs, de ses doutes et de ses propres tourments.
Nico Darko
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