Triangle
de Christopher Smith
avec Melissa George, Michael Dorman, Joshua McIvor et Henry Nixon
Grande-Bretagne / Australie – 2009 – 1h40
Rating:
Si on se demande encore où se trouve le cinéma de genre actuel, le vrai, celui qui innove et qui invente, il suffit de se tourner vers les rayons DVD. Alors que son sublime Black Death a eu le droit à sa sortie en DTV début avril, c’est au tour de son excellent Triangle, antérieur à Black Death, de se voir priver d’une exploitation en salles, totalement injustifiée au vue de sa qualité. Mais la bonne nouvelle, c’est que Christopher Smith confirme définitivement son talent, livrant son film le plus complexe et abouti de sa carrière.
Difficile d’expliquer Triangle sans risquer de spoiler l’insoupçonnable twist final. Le film suit un groupe d’amis partis en mer qui, après avoir survécu à une tempête aussi violente que soudaine, se retrouvent recueillis par un paquebot apparemment désert. Mais un tueur masqué se met à éliminer un à un les rescapés.
Voilà pour le pitch, loin de rendre justice à l’incroyable complexité de Triangle. Non content de s’approprier et de revisiter les motifs connus du slasher, Smith s’attaque également au thème casse gueule du voyage dans le temps. Malgré les différents niveaux de son scénario, le cinéaste parvient, un peu comme Nolan avec Inception, à raconter son histoire de manière claire et lisible, sans que son spectateur n’en perde le fil. Servi par l’interprétation bluffante de Melissa George, héroïne ambigüe, le film présente, tout comme son triangle éponyme, de multiples facettes. Pouvant être compris de différentes manières, Triangle laisse à son spectateur la liberté de choisir sa propre interprétation de l’histoire. Avec un budget de moins de 550 000 livres (622 000 euros soit moins d’un millions de dollars), Smith parvient à accoucher d’un métrage brillant et convaincant, sans que se ressente son petit budget.
Christopher Smith prouve qu’il sait réaliser, entre cadrage intimiste de ses personnages et travellings vertigineux de corridors, hommages avoués pour l’une de ses influences majeures, Shining de Stanley Kubrick, mais aussi qu’il sait écrire un scenario, citant au passage L’Année dernière à Marienbad de Resnais comme référence, et il est vrai que l’on retrouve l’ambiance et l’ambiguïté de ses deux chef d’œuvres dans le film. Mais Smith ne se contente pas de se référer, il s’approprie, multipliant les idées visuelles fortes (l’agonie de Sally sur le pont), disséminant assez d’indices pour laisser son spectateur croire qu’il peut anticiper le dénouement, le surprenant à chaque retournement de situation, sans que jamais il ne perde le fil conducteur du récit. Car un scenario complexe n’implique pas nécessairement que le spectateur doive se triturer les neurones pour le comprendre, et ça, Smith l’a bien compris. Ne donnant pas toutes les réponses mais suffisamment pour que l’on puisse se faire son opinion, Triangle est le genre de film qui, certes, demande une certaine attention (si vous partez aux waters pendant, vous risquez effectivement de rater des éléments importants) mais demeure si passionnant et prenant qu’il suffit de se laisser porter par le récit.
Si vous aviez encore des doutes concernant Christopher Smith, il y a de fortes chances que Triangle vous donne la réponse que vous attendiez. Cet homme est un grand cinéaste, de ceux qu’il faut suivre aveuglement, de ceux qui apportent au cinéma de genre ces lettres de noblesse et insufflent un nouvel essor au cinéma actuel.
Lullaby Firefly
J’ai bien fait de ne pas regarder la bande annonce avant de voir le film, je trouve que cette dernière en dit déjà beaucoup trop et en gâche facilement les 40 premièreres minutes! À vrai dire je trouve que même l’affiche est trop équivoque…
Dans l’ensemble je suis d’accord avec votre critique mais je n’aurais pas mis la note maximale pour autant. J’aime beaucoup les scénarios de ce genre, en partie parce que c’est un exercice d’écriture perilleux, et si celui là comporte beaucoup moins d’incohérences qu’Inception (oups, troll ;-)) il n’en est pas non plus tout à fait dépourvu (mais c’est vraiment pour chipoter). Effectivement il joue avec le spectateur mais a finalement toujours une longueur d’avance et ça fait plaisir (sauf pour la fin en ce qui me concerne et que j’ai du coup trouvée un peu longue). Visuellement Shining est en effet tout proche (un poil trop, même), l’ambiance bien amenée, et il n’y a pas grand chose à reprocher sur ce plan là si ce n’est peut-être une lumière qui manque un peu de finesse, la scène du gramophone bien lourdasse tant narrativement que visuellement, et les quelques images de synthèse, hélas au debut du film, qui trahissent instantanément le budget riquiqui et que Smith a eu le bon goût et la clairvoyance de réduire au strict minimum (Tsui Hark, je sais que tu lis Cellulo, prends-en de la graine). Tout cela est mineur devant l’ingéniosité de l’histoire et un montage très reussi, auquel je tire vraiment mon chapeau tant le scénario rend l’exercice à la fois critique et perilleux. Merci Celluloïdz pour cette nouvelle trouvaille fort sympathique!
Juste une chose: je ne vois absolument pas les diverses interprétations possibles dont vous parlez. Et pourtant je ne suis pas allé aux waters…
Pour ma part, des interprétation, j’en vois deux: 1) elle est enfermée dans une boucle temporelle 2) elle est complétement folle (et alors Triangle devient un « film-cerveau »).
Bon, tout cela n’était pas ultra clair dans ma critique mais vous arrêtez un peu de spoiler le film :p
Mmh 1 entraîne 2 de toutes façons. Et puis l’interprétation 2 peut marcher avec quasiment n’importe quel film fantastique 😉
Salut l’équipe de Cellulo, On vient de sortir un épisode sur Triangle si ça vous tente. Merci pour cette critique.
https://www.youtube.com/watch?v=zfWz9sho6-k